Les enfants plus doués pour les langues que les adultes ?

À l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, UNRIC s’est entretenu avec le Dr Eleonore Smalle*, chercheuse post-doctorale à l’Université de Gand (Belgique) et maître de conférences à l’Université de Tilburg (Pays-Bas), sur les mécanismes de la cognition et de l’apprentissage des langues.

Pourquoi les enfants apprennent-ils les langues plus facilement que les adultes ?

Au premier stade du développement, par exemple chez les très jeunes enfants, la plupart des acquisitions linguistiques se font spontanément, par l’écoute passive. Au fil du développement, deux systèmes d’apprentissage sont impliqués dans l’acquisition du langage : une mémoire implicite (inconsciente) et une mémoire explicite (consciente). Les enfants apprennent le langage par le biais du système inconscient. La mémoire consciente se développe fortement à partir de l’adolescence. Bien que ces mécanismes d’apprentissage conscients soient importants pour les activités intellectuelles complexes, comme les études, ils ont tendance à affecter les processus d’apprentissage plus naturels, comme l’acquisition du langage.

 

À quel âge l’apprentissage d’une nouvelle langue commence à être plus difficile ?

On estime que cela se produit vers le début de l’adolescence (c’est-à-dire à l’âge de 12 ans), lorsque le système de mémoire consciente du cerveau commence à se développer plus fortement.

 

Quelles sont les principales différences entre les adultes et les enfants dans leur apprentissage de nouvelles règles linguistiques ?

Notre étude montre que les enfants surpassent les adultes dans leur capacité à apprendre inconsciemment de nouvelles règles linguistiques, c’est-à-dire par une exposition passive sans conscience de ce qu’ils apprennent. En revanche, les adultes surpassent les enfants dans leur capacité à apprendre de manière consciente. Cependant, l’apprentissage de nouvelles règles linguistiques avec toute l’attention nécessaire peut conduire à leur oubli et à une interférence avec les connaissances antérieures. Par exemple, les adultes ont souvent tendance à appliquer les règles de leur langue maternelle lorsqu’ils apprennent une nouvelle langue. Il en résulte une consolidation moins stable de la nouvelle langue dans leur mémoire. De plus, on constate que les enfants appliquent inconsciemment les nouvelles règles linguistiques et utilisent les mots nouvellement acquis dans leur vie quotidienne – en jouant à des jeux imaginaires ou en communiquant avec leurs pairs. En d’autres termes, ils se répètent inconsciemment les nouvelles informations, ce qui favorise la consolidation de la mémoire à long terme.

 

Sur la base de vos recherches, quelle serait la meilleure façon d’apprendre une nouvelle langue pour les adultes ? La technologie peut-elle aider ?

Un moyen efficace pourrait être l’immersion linguistique totale. Par exemple, en écoutant un podcast dans une autre langue tout en effectuant une autre tâche, ou en exposant votre cerveau à la nouvelle langue mais sans l’objectif premier d’apprendre les règles qui la régissent. Dans nos recherches, nous montrons que ce type d’exposition inconsciente aide le cerveau adulte à se familiariser avec les schémas de la parole étrangère, mais nous n’avons pas la preuve qu’elle favorise l’acquisition des aspects plus complexes d’une nouvelle langue, comme la syntaxe ou le sens. Pour ces derniers, nous devons faire appel à des fonctions cognitives complexes et à la mémoire consciente. L’hypothèse est que les personnes qui se sont immergées dans la langue sans en avoir conscience au préalable pourraient avoir une longueur d’avance lorsqu’elles suivent des cours de langue à proprement parler.

 

Quels sont vos projets de recherche à venir ?

Pour le futur, notre objectif de recherche sera de mieux comprendre le développement cognitif atypique. Le but est de mettre au point des méthodes fiables permettant de stimuler les capacités d’apprentissage chez les personnes atteintes de troubles du développement, tels que le trouble du langage, la dyslexie ou le bégaiement.

 

Chaque année, le 21 février, nous célébrons la Journée internationale de la langue maternelle, instituée par la Conférence générale de l’UNESCO en 1999, afin de protéger toutes les langues utilisées par les peuples du monde. Elle encourage la diversité linguistique et culturelle, ainsi que le multilinguisme. Cette année, l’accent est mis sur l’importance de l’éducation multilingue pour transformer l’éducation dans des contextes multilingues.

 

* Eleonore Smalle est chercheuse postdoctorale en psychologie cognitive à l’université de Gand (Belgique) et chargée de cours en psychologie du développement à l’Université de Tilburg (Pays-Bas). Elle étudie le rôle de la mémoire dans l’apprentissage des langues tout au long de la vie humaine.

 

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