Les missions de maintien de la paix face à la désinformation

Les missions de paix évoluent dans des contextes extrêmement difficiles, rendus encore plus complexes avec la pandémie de désinformation. Les fake news peuvent aussi tuer des Casques bleus.

« L’écosystème de l’information digitale représente un terrain propice à la désinformation et aux discours de haine. Nous voyons une corrélation entre les discours en ligne et le mal qui est fait sur le terrain aux opérations de maintien de la paix », selon Naomi Miyashita.

Naomi Miyashita est responsable de projet chargée de lutter contre la désinformation au Département des opérations de paix des Nations Unies. Elle a évoqué avec d’autres panélistes les défis posés par ce fléau, lors d’une conférence qui s’est tenue à Bruxelles, le 29 juin à l’occasion du 75e anniversaire des opérations de maintien de la paix de l’ONU.

Les missions de paix sont de plus en plus confrontées à la désinformation (fausse information ayant pour but de nuire), la « misinformation » (fausse information n’ayant pas pour but de nuire) et la manipulation de l’information ou « malinformation » (information qui découle de la vérité mais qui est déformée de manière à induire en erreur et à causer des préjudices potentiels).

Ce sont des fléaux qui ne compliquent pas seulement la tâche des Casques bleus, mais qui mettent aussi leur vie en danger tout en affectant le moral des équipes civiles et en uniforme. La faiblesse des médias ainsi que le manque de culture de la presse et de l’information numérique favorisent la désinformation et « misinformation ».

En ouvrant la conférence, la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, a déclaré que « le défi mondial que représente la désinformation ne peut être relevé qu’avec l’aide des Nations Unies et une réponse mondiale ».

Plateformes numériques

L’utilisation des réseaux sociaux comme première source d’information, en particulier chez les jeunes, augmente très rapidement. Ces plateformes numériques doivent batailler pour contrôler les contenus relayant de la désinformation et des messages de haine à des millions de personnes. Ce qui alimente les conflits et menace le travail, voire l’existence même des missions de maintien de la paix de l’ONU.

« Des solutions communes doivent être trouvées comme une prise de responsabilité des réseaux sociaux pour contrer la diffusion de fake news », a déclaré Hadja Lahbib.

Avec les récents développements au Mali, où la désinformation a accompagné les appels au départ de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le sujet devient encore plus brûlant.

Les bonnes pratiques pour protéger les missions

Lors de la conférence, les panélistes ont exploré différentes façons d’aborder la question. Ainsi, Naomi Miyashita a souligné que tous les soldats de la paix devraient être formés, en particulier ceux qui occupent des postes de direction, à travailler de manière proactive avec les médias et à encourager des campagnes d’information locales et des engagements réciproques qui « rencontrent les citoyens locaux là où ils se trouvent », à la fois en ligne et hors ligne.

Chaque mission étant différente, opérant dans un contexte local spécifique où les niveaux de stress des soldats de la paix varient, il est essentiel de « toujours adapter son message aux différents publics et d’inclure les partenaires locaux », a convenu Benjamin Mols, du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), le service diplomatique de l’Union européenne (UE).

Travailler localement, y compris avec des personnes influentes telles que les chefs religieux, dans le cadre de campagnes d’information dans les langues locales, s’avère une approche efficace. Elle est mise en œuvre par le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), une organisation de la société civile qui a également formé des citoyens et des médias locaux à la vérification des faits dans les langues locales.

Selon Naomi Miyashita, Radio Okapi, la radio des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC), est un autre exemple de bonne pratique qui a fait ses preuves, entre autres usages des radios nationales et locales. Cette station émet de l’information vérifiée et précise dans tout le pays dans quatre langues locales (swahili, lingala, kikongo et tshiluba) ainsi qu’en français.

« Tout le ressentiment ne vient pas nécessairement de la désinformation », a ajouté Naomi Miyashita, « des critiques légitimes et authentiques à l’égard des Nations Unies devant être prises en considération ».

 

panel ONU et Union Européenne lors d'une conférence sur l'impact de la désinformation sur les missions de paix.
Les panélistes représentant l’ONU, la Belgique et l’Union européenne.

Une réponse complexe

Dans ses remarques finales, Birgit Stevens, directrice des Nations Unies au ministère belge des Affaires étrangères, a reconnu la complexité de la question de la « misinformation », de la désinformation et de la « malinformation », ainsi que ses liens avec le maintien de la paix.

Compte tenu de l’impact sur la population et sur les soldats de la paix, des pratiques en ligne et hors ligne, du rôle des langues locales, etc., « la réponse doit également être complexe, et pas seulement réactive, mais aussi proactive », a-t-elle conclu.

Le système des Nations Unies élabore actuellement une réponse, sous la forme d’un Code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques, destiné aux gouvernements, aux entreprises technologiques, aux plateformes numériques, aux annonceurs et aux autres parties prenantes, afin de rendre le monde en ligne plus sûr et plus inclusif, tout en protégeant les droits de l’homme.

La conférence était organisée par le ministère belge des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en collaboration avec le ministère belge de la Défense, l’Institut Egmont, le Centre régional d’information des Nations Unies et le Bureau de liaison des Nations Unies pour la paix et la sécurité à Bruxelles.

Naomi MIYASHITA, Département des opérations de paix des Nations Unies, Benjamin MOLS, Service européen pour l’action extérieure (SEAE, UE), Bernard SIMAN, Institut Egmont, et  Clémence BUCHET-COUZY, Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), ont pris la parole lors de cette conférence.

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