Saskia Schellekens

Saskia Schellekens

 

Saskia Schellekens travaille au siège de l’ONU à New York depuis 2003. Elle a commencé sa carrière en tant que Jeune Expert Associé (JEA) au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) où elle a intégré une équipe nouvellement créée qui se consacre à la participation des jeunes. Elle est désormais Conseillère spéciale auprès de l’Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse.

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« Lorsque j’étais adolescente, je me suis aperçue que les opinions des jeunes n’étaient pas toujours prises au sérieux. »

Les valeurs des droits de l’homme et de l’égalité des sexes ont toujours revêtu un intérêt particulier pour Saskia. « J’ai un frère jumeau, donc j’ai toujours eu à l’esprit que tout devrait être réparti équitablement, à la fois les avantages comme les jouets et les clubs de sport et les désavantages comme les tâches ménagères », dit-elle amusée. Sa passion pour les droits et les besoins des jeunes s’est développée un peu plus tard, au cours de son adolescence. « Lorsque j’étais adolescente, je me suis aperçue que les opinions des jeunes n’étaient pas toujours prises au sérieux. Personnellement, j’ai par exemple essayé de faire entendre ma voix à travers une association étudiante où je faisais partie du Conseil. » Elle ajoute toutefois qu’elle n’a pas spécifiquement eu cette thématique à l’esprit lors de ses études, mais que son intérêt pour les droits des jeunes s’est peu à peu développé.

Saskia a commencé en tant que JEA au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) au sein d’une équipe nouvellement créée consacrée à la jeunesse et aux adolescents. Elle était impliquée dans les programmes de participation de la jeunesse et dans l’élaboration d’idées novatrices à cet égard. Elle a aussi entre autres participé à l’édition consacrée à la jeunesse de « L’Etat de la population mondiale », une publication annuelle du FNUAP. Saskia a continué à travailler au FNUAP après son programme de JEA. Elle a premièrement eu l’occasion de poursuivre les programmes qu’elle avait aidés à établir en tant que JEA. Plus tard, elle est également devenue Assistante Spéciale auprès du directeur de la division technique et a travaillé au sein du Bureau du Directeur adjoint du FNUAP, Purnima Mane. Sa dernière tâche au sein du FNUAP a été de travailler sur la révision du Programme d’Action 2030, 20 ans après son adoption à la Conférence Internationale sur la population et le développement. C’est en 2014 qu’elle accède au poste qu’elle occupe actuellement : Conseillère spéciale auprès de l’Envoyé du Secrétaire général pour la jeunesse.

L’objectif du Bureau de l’Envoyé du Secrétaire général pour la jeunesse est de contribuer à l’harmonisation des questions sur la jeunesse au sein de l’ONU. « De nombreuses organisations au sein du système de l’ONU travaillent avec et autour des jeunes », explique Saskia. « Je pense par exemple à l’OIT qui cherche à faire baisser le chômage des jeunes, ou à l’UNESCO qui travaille autour des problématiques de l’éducation des jeunes. » Le rôle de l’Envoyé est de faire en sorte que ces efforts soient aussi complémentaires que possible, en coopération avec les organisations de la jeunesse, les États membres et d’autres partenaires. De plus, l’Envoyé cherche aussi à sensibiliser le public aux besoins et aux droits des jeunes et à encourager la participation des jeunes. Le but est de rendre l’ONU plus accessible et proche des jeunes.

Le Bureau, fondé par l’ancien Secrétaire général Ban Ki-moon en 2013, est né dans un contexte international particulier : « Le chômage des jeunes avait augmenté considérablement dans le monde entier du fait de la crise économique. Pendant ce temps, à travers le printemps arabe qui se déroulait au Moyen-Orient, nous avons vu que les jeunes étaient actifs dans divers mouvements. Il fallait que l’ONU tente de répondre aux problématiques de ces jeunes. Il fallait passer à l’étape suivante ! »

« Je pense qu’il est important de maintenir le con-tact avec le terrain. Au cours des visites de pays, il faut saisir l’occasion d’entamer un dialogue avec les organisations de la jeunesse locales […]. »

Cela fait maintenant trois ans que Saskia donne des conseils stratégiques et des recommandations à l’Envoyé du Secrétaire général pour la jeunesse en tant que Conseillère spéciale. Ensemble, ils discutent des thèmes sur lesquels il faut se concentrer et œuvrer pour une plus grande participation des jeunes. Saskia est enthousiaste concernant les résultats : « Depuis la création du Bureau il y a quatre ans, nous avons fait en sorte que presque tous les processus des Nations Unies permettent et accueillent la participation des jeunes. Ainsi, des jeunes du monde entier ont activement participé aux consultations et négociations qui ont conduit à l’adoption du Programme 2030. La résolution 2250 du Conseil de sécurité qui met l’accent sur la jeunesse, la paix et la sécurité existe désormais alors que beaucoup de personnes n’auraient jamais imaginé qu’une telle résolution serait adoptée. Dans le cadre des attentes de la nouvelle Envoyée Jayathma Wickramanayake (nommée le 17 juillet 2017), le suivi de la mise en œuvre et de l’opérationnalisation de la présente résolution est mon travail. » Saskia est aussi souvent en charge du Bureau en l’absence de l’Envoyée : « L’Envoyée se déplace beaucoup et mon travail consiste donc à faire en sorte que le Bureau continue de fonctionner en son absence. »

Saskia doit également voyager 5 à 6 fois par an en général, pour accompagner l’Envoyée pour la jeunesse lors de ses visites et pour assister à des conférences majeures telles que le Sommet mondial sur l’action humanitaire qui s’est déroulé en Turquie l’année dernière. « Au cours de ces événements, les jeunes peuvent avoir une voix, c’est ce que nous essayons de faciliter avec notre Bureau », nous explique-t-elle. « Nous essayons aussi lors de ces voyages d’attirer l’attention sur l’importance de l’agenda de la jeunesse auprès des États membres et des autres parties prenantes. » Ces voyages sont également l’occasion idéale pour apprendre à mieux connaître les contextes locaux. « Je pense qu’il est important de maintenir le contact avec le terrain », explique Saskia. « Au cours des visites de pays, il faut saisir l’occasion d’entamer un dialogue avec les organisations de la jeunesse locales et de rencontrer le gouvernement, les ministres des affaires de la jeunesse et les collègues de l’ONU dans ce pays. »

C’est avec émotion que Saskia raconte une anecdote qui symbolise pour elle l’importance du travail sur le terrain : « En 2015, le FNUAP avait invité l’Envoyé de la jeunesse et moi-même en Ouganda, pour visiter une clinique de santé locale qui mettait l’accent sur la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive avec un programme spécial pour les adolescents. On nous a fait visiter la clinique et nous avons aussi brièvement pu parler aux jeunes présents. J’avais l’impression de venir d’une autre planète. Je suis arrivée dans un grand convoi, avec divers hauts dignitaires, pour voir comment une telle clinique fonctionne, et nous sommes repartis après quelques conversations. Certains jeunes sont venus me demander ma carte, cela arrive régulièrement. Soudain, une jeune fille qui était enceinte m’a attrapé le bras. Je pensais qu’elle aussi voulait ma carte, alors je lui en ai sorti une mais la jeune fille voulait me donner une photo d’elle-même. J’en suis restée sans voix. Elle avait si peu de moyens que je me suis dit que cela devait être une des seules photos qu’elle possédait. Pourquoi est-ce qu’elle me la donnait à moi ? Je ne voulais pas lui prendre quelque chose de si précieux. Mais elle m’a ensuite confié : « Je veux que vous preniez cette photo pour continuer de penser à nous. » Depuis, je garde toujours cette image avec moi comme un rappel constant que c’est pour ces jeunes que nous travaillons. »

« La participation des jeunes est non seulement dans l’intérêt des jeunes eux-mêmes, mais aussi dans l’intérêt de tous. »

C’est de ces rencontres que Saskia retire le plus de satisfaction. Elle nous a également confiés être ravie que la nouvelle Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse soit très jeune (née en 1990) car les jeunes peuvent voir en cette personne « quelqu’un avec qui ils ont une connexion. » La diversité et la variété rendent le travail de Saskia plus attractif : « Nous ne collaborons pas seulement avec les organisations de la jeunesse de nombreux pays, mais également avec les Ministres de la jeunesse du monde entier, d’autres organismes des Nations Unies et d’autres parties prenantes. Ces différentes formes d’interaction font que mon travail est toujours intéressant. »

Il y a cependant également des aspects difficiles liés à sa fonction. Saskia admet qu’elle trouve frustrant de devoir continuellement convaincre que « la participation des jeunes est non seulement dans l’intérêt des jeunes eux-mêmes, mais aussi dans l’intérêt de tous. En impliquant les jeunes dans les processus politiques des Nations Unies ou de leurs pays, on peut atteindre une meilleure élaboration de ces politiques. » Un deuxième aspect frustrant concerne « le fait que le budget du Bureau doive être financé en extrabudgétaire. Cela signifie que nous devons investir beaucoup de temps et d’énergie dans la collecte de fonds, au détriment d’autres choses que nous pourrions faire ». Troisièmement, Saskia explique que le travail dans les bureaux est souvent sous-estimé. « L’image de notre travail qui ressort est son aspect glamour tel que les voyages, les médias qui nous accompagnent partout et les rencontres de toutes sortes de hauts dignitaires. Mais il s’agit surtout de savoir garder les pieds sur terre et de se créer notre propre chemin pour chercher à atteindre nos objectifs. »

« Tout le monde peut travailler pour l’ONU, il ne s’agit pas seulement d’avoir un contrat. »

Saskia a enfin souhaité donner quelques conseils aux jeunes qui aspirent à une carrière internationale : « En premier lieu, il doit être très clair que vous êtes là parce que vous voulez défendre les valeurs des Nations Unies. Chaque jeune qui s’approprie ces valeurs peut contribuer à la mise en œuvre du mandat de l’ONU et aux Objectifs de développement durable (ODD). En effet, les ODD ne peuvent être atteints que si la plus grande génération de jeunes dans l’histoire du monde -1,8 milliards au total – travaille activement pour atteindre ces objectifs. Il ne faut pas partir avec l’idée d’obtenir un emploi prestigieux, mais avec la passion que vous avez. Par exemple, il est bon de d’abord acquérir de l’expérience au sein d’une association étudiante ou d’une organisation de la jeunesse. Parfois, commencer par faire du bénévolat et montrer que vous êtes intéressé par un sujet particulier peut conduire à quelque chose d’autre. Mais comme j’ai l’habitude de dire : Tout le monde peut travailler pour l’ONU, il ne s’agit pas seulement d’avoir un contrat. »