Belgique : la traite des enfants fait au moins une centaine de victimes par an

« Depuis 2019, la Belgique signale chaque année une centaine de mineurs victimes de proxénétisme, affirme Inge Saris, directrice de Payoke, une ONG belge de lutte contre la traite des êtres humains. Entre janvier et juillet 2024, 73 adolescents victimes de proxénètes et des mineurs contraints à commettre des délits avaient été enregistrés ».

La 10e journée mondiale des Nations Unies consacrée à la lutte contre la traite d’êtres humains, ce 30 juillet, met l’accent sur les causes et les vulnérabilités de la traite des enfants. Dans cette perspective, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a mené la campagne « Cœur bleu » pour mettre en lumière l’impact de ce fléau.

En Belgique, la campagne a été lancée le 22 juillet à Anvers, avec la participation du ministre belge de la Justice, Paul Van Tigchelt, et les ONG Sürya, PAG-ASA et Payoke. UNRIC a interrogé ces trois organisations, qui soutiennent les victimes et visent à prévenir la traite en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre.

Les efforts de la Belgique contre la traite des enfants

Les enfants sont particulièrement vulnérables à la traite des êtres humains pour plusieurs raisons, notamment la pauvreté, le manque d’accès à l’éducation et les crises humanitaires.

Malgré le cadre juridique existant en Belgique, la traite des enfants persiste. Une ligne d’assistance téléphonique mise en place en 2019 a permis d’augmenter le nombre de cas signalés.

En 2023, une commission parlementaire a formulé 100 recommandations visant à renforcer la législation de lutte contre la traite des êtres humains, ce qui a donné lieu à des actions telles que la diffusion de brochures d’information pour les demandeurs de visa de travail et le contrôle des transactions financières. La Police judiciaire fédérale dirige désormais un projet européen axé sur l’exploitation des mineurs, tandis que le financement destiné à des centres d’accueil a augmenté.

Cependant, l’application du principe de non-punition pour les victimes reste un défi. « Une victime ne doit pas être punie pour des délits commis sous la contrainte, ce qui nécessite une compréhension profonde de la part des partenaires de la police et de la justice », explique Inge Saris, directrice de Payoke.

Représentants des ONG Sürya, PAG-ASA, et Payoke, avec le ministre belge de la Justice Paul Van Tigchelt et des représentants de l'OIM et l'UNODC, le 22 juillet 2024 à Anvers. © UNRIC
Représentants des ONG Sürya, PAG-ASA, et Payoke, avec le ministre belge de la Justice Paul Van Tigchelt et des représentants de l’OIM et l’UNODC, le 22 juillet 2024 à Anvers. © UNRIC

Soutien aux survivants

 « La plupart des enfants ne sont pas « sauvés », ils luttent au contraire pour échapper à leur situation, poursuit Inge Saris. Payoke apporte des soins médicaux, ainsi qu’un soutien psychologique et juridique aux mineurs, jusqu’à ce qu’ils soient indépendants et que les procédures légales soient terminées ».

Payoke utilise des outils d’évaluation des risques, des lignes téléphoniques d’urgence et des programmes de formation pour identifier rapidement les mineurs à risque.

De son côté, l’ONG Sürya intervient de manière précoce en travaillant avec les services de terrain pour assister les enfants et les jeunes exploités sexuellement. PAG-ASA se concentre plutôt sur l’appui juridique et administratif aux enfants. Dès qu’ils atteignent leur majorité, cette ONG peut les héberger et leur proposer un accompagnement psychosocial.

Comme l’un des mineurs l’a expliqué au juge pour enfants : « Mon superviseur est une conscience additionnelle, une caisse de résonance où je peux toujours aller chercher des conseils. La continuité à Payoke a été l’un des facteurs de protection les plus importants qui m’ont aidé à échapper à cet environnement ».

Partenariats nationaux et internationaux

 Payoke, Sürya et PAG-ASA travaillent en étroite collaboration les uns avec les autres, ainsi qu’avec les autorités locales, les services de police et ChildFocus, une fondation belge qui soutient les enfants disparus.

« Child Focus oriente tant les jeunes que les parents vers notre service, » explique Christian Meulders, le directeur de Sürya. « Les services d’aide ou de protection de la jeunesse ainsi que les magistrats et les services de police peuvent nous contacter 24h sur 24 et 7 jours sur 7 ».

Les trois organisations font partie du « mécanisme national de réorientation », coordonné par le ministère belge de la Justice, et travaillent en partenariat avec la police, l’inspection sociale, le ministère public et l’Office des étrangers.

Payoke et PAG-ASA collaborent avec LaStrada International, qui lutte contre la traite des êtres humains en Europe, tandis que Sürya dispense des formations au Luxembourg.

Rendre la traite plus visible

Dans le cadre de la campagne « Cœur bleu » de l’ONUDC, plus de 20 villes belges illumineront leurs hôtels de ville en bleu le 30 juillet, et la statue de Bruxelles, Manneken Pis, portera un costume sur mesure. La campagne belge fait la promotion d’un site web multilingue intitulé « Stop à la traite des êtres humains » et d’une ligne téléphonique d’urgence (078 055 800) permettant aux victimes de la traite d’obtenir des informations ou de contacter des centres spécialisés.

« De nombreuses victimes ne sont pas répertoriées, avertit Sarah De Hovre, directrice de PAG-ASA. Beaucoup d’efforts de sensibilisation restent nécessaires de la part des autorités fédérales et régionales, pour que les professionnels de terrain reconnaissent les indicateurs de traite et signalent les victimes présumées ».

Christian Meulders, directeur de Surya, appelle à « une réelle volonté de lutter contre l’exploitation sexuelle des jeunes par exemple par des campagnes nationales sur la question ».

Besoins urgents

Un financement stable, des recherches approfondies, la formation de partenaires et des politiques ciblées s’avèrent cruciales. De même, il est essentiel d’investir dans des refuges pour prévenir la traite des enfants.

« Ces enfants ont besoin temporairement d’un accueil sécurisé, à l’abri des réseaux et des personnes qui les ont exploités, à l’abri de leur smartphone et des réseaux sociaux qui risquent de les replonger dans l’exploitation », conclut Sarah De Hovre.

L’inclusion d’une organisation dans la série Benelux « SDGActors » du Centre régional d’information des Nations Unies (UNRIC) ne reflète en aucun cas les points de vue de UNRIC et n’implique pas son approbation.

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