Le racisme et la coupe du monde de football

par NAVI PILLAY HAUT COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME

La Coupe du monde de Football démarre le 11 juin. C’est une bonne occasion de réfléchir à la façon dont le sport doit favoriser la cohésion sociale, rassembler des cultures différentes pour célébrer une compétition saine et surmonter le manque d’assurance et même le mépris qui bien trop souvent divisent des pays et des communautés dans les arènes politiques et sociales. Le film « Invictus », qui montre comment Nelson Mandela a utilisé le rugby pour désamorcer un conflit potentiel et construire une identité nationale commune, est à ce titre un exemplaire. Et le choix de l’Afrique du Sud, un pays qui a renoncé au racisme institutionnalisé de l’Apartheid, pour accueillir cette Coupe du monde fournit à la fois une occasion et une plate-forme excellentes pour renouveler nos efforts à combattre la discrimination dans toutes ses formes.

En tant que victime du racisme et fan de sport, je recommande à tous ceux qui jouent ou regardent simplement le sport d’utiliser la Coupe du monde comme un catalyseur pour une action mondiale contre l’intolérance et le racisme. Ce sont des fléaux qui affectent d’innombrables, femmes, hommes et enfants dans le monde entier, que nous devrons affronter à chaque instant.

En effet, la crainte, l’intolérance et la xénophobie peuvent toutes être combattues avec les valeurs diamétralement opposées que sont le fair-play et la coopération, valeurs tant au cœur des sports d’équipe comme le football. La Coupe du monde est peut-être la plus haute expression de la capacité du football à rassembler des millions de personnes de toutes les régions du monde dans une quête commune et joyeuse.

Sans aucun doute, nous avons tous notre équipe préférée que nous espérons voir gagner, mais n’oublions pas que la Coupe du monde nous permet de nous unir avec d’autres, avec une histoire, une culture et des traditions différentes que nous ne croiserions jamais autrement. Grâce à ces contacts, nous y gagnons tous, nous sommes tous enrichis. Notre passion commune pour le football renforce les liens de fierté communautaire, rehausse notre aspiration partagée pour l’excellence et canalise et élève notre instinct de compétition.

Mais soyons également vigilant concernant le racisme et autres manifestations d’intolérance qui empoisonnent le sport – particulièrement le football – qui sapent son message positif et le déconsidèrent. Cela arrive trop souvent quand les supporters d’équipes en compétition utilisent des insultes intolérantes et même la violence pour diffamer et attaquer leurs adversaires. Fâcheusement, des joueurs eux-mêmes se sont laissé aller parfois à un comportement aussi méprisable. Les footballeurs professionnels sont logiquement obligés de porter les normes de sportivité les plus élevées, tant moralement que par le code de conduite de la FIFA qui inclut des dispositions sur la non-discrimination. Pourtant il est arrivé que de riches clubs et organismes nationaux échappent aux sanctions les plus sévères en payant des amendes dérisoires après des incidents racistes graves durant des matchs. 

Les autorités nationales de football doivent partout appuyer leur vigoureuse rhétorique avec des dissuasions sérieuses et cohérentes. Les manifestations de racisme ou d’intolérance sur ou autour des stades pendant la Coupe du monde devraient être rapidement combattues et leurs auteurs isolés. 

Le message clair de la Coupe du monde doit être qu’il n’y a pas de place pour le racisme et l’intolérance dans le sport. Je me réjouis de la position prise par la FIFA et l’UEFA contre le racisme – les deux organisations continuent à mettre en place des programmes visant à promouvoir la tolérance et les campagnes contre le racisme. La FIFA prévoie d’utiliser les quatre matchs des quarts de finale de la Coupe du monde, en particulier, pour adresser une déclaration claire contre le racisme à des millions de personnes de par le monde. Avant ces matchs, les capitaines de chaque équipe liront une déclaration encourageant joueurs, responsables et  fans dans le monde entier à dire « Non » à toute forme de racisme.

La Coupe du monde de Football représente une occasion unique de maximiser le potentiel de ce sport pour éduquer ses communautés toujours plus nombreuses et attirer de nouveaux talents sans tenir compte de leur statut social ou de leur mode de vie. Pour beaucoup d’athlètes pauvres, le football a été le chemin pour sortir d’une exclusion apparemment sans fin. Leurs accomplissements  ont inspiré d’autres à faire de même. Dans chaque société, les sportifs consacrés – hommes et femmes – sont des modèles dont le comportement est étroitement scruté et même imité. Les jeunes esprits sont particulièrement influencés par les messages, tant positifs que négatifs, de ceux qu’ils respectent, particulièrement leurs héros sportifs.

En fin de compte, les vrais vainqueurs de la Coupe du monde de cette année seront ceux qui célèbrent et portent, tant en mots qu’en actes, ses valeurs de fair-play, de compétition honnête, de respect et de tolérance,  tant sur le terrain qu’ailleurs.

Sortons la discrimination du terrain. Taclons l’exclusion. Mettons le racisme hors-jeu !