Myanmar : le sort des Rohingyas, une crise oubliée

Plus d’un million de Rohingyas, une minorité musulmane du Myanmar, un pays à majorité bouddhiste autrefois connu sous le nom de Birmanie, ont fui les violences lors de multiples vagues de déplacement.

L’exode le plus important s’est produit en août 2017, lorsque 742 000 Rohingyas ont fui la persécution militaire au Myanmar pour rejoindre le Bangladesh voisin. Ils ont alors rejoint environ 300 000 Rohingyas déjà réfugiés au Bangladesh.

Ce pays abrite actuellement 1,2 million de réfugiés rohingyas qui dépendent entièrement de l’aide humanitaire pour la protection, la nourriture, l’eau, l’abri et la santé. Des milliers de réfugiés supplémentaires ont fui vers les pays voisins et plus de 2,8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du Myanmar, dont 90 % depuis la prise de pouvoir par l’armée, en février 2021.

Qui sont les Rohingyas ?

Cette minorité musulmane vit depuis des siècles au Myanmar, principalement dans l’État de Rakhine, la région la plus pauvre.

Malgré leur présence historique, les Rohingyas manquent d’une reconnaissance officielle en tant que communauté. Ils sont très nombreux à n’avoir aucune identité légale, ni de citoyenneté.

Depuis 1982, ils se voient en effet refuser l’accès à la nationalité, ce qui fait d’eux la plus grande population apatride au monde. Pas moins de 98 % des réfugiés rohingyas apatrides résident au Bangladesh et en Malaisie.

Ce manque de reconnaissance officielle laisse les familles sans droits fondamentaux et sans protection, ce qui les rend vulnérables à l’exploitation, la violence sexuelle et fondée sur le genre,ainsi qu’à diverses formes d’abus.

Lors du dernier exode de 2017, de nombreux rapports ont fait état de violations des droits humains. Des villages entiers ont été réduits en cendres, de nombreuses familles ont perdu la vie ou ont été séparées, et beaucoup se sont lancés dans de dangereux voyages en mer à travers le Golfe du Bengale, à la recherche de sécurité au Bangladesh.

Cox’s Bazar, le plus grand camp de réfugiés au monde

Cox’s Bazar, au Bangladesh, comprend 33 camps abritant plus de 1 million de réfugiés. La surpopulation y rend les conditions de vie éprouvantes pour les femmes et les enfants, qui font face à la faim, des risques élevés de violence, d’exploitation et de traite des êtres humains.

Assurer un habitat sécurisé aux réfugiés reste un défi permanent, notamment en ce qui concerne la protection contre les catastrophes naturelles comme les inondations et les glissements de terrain pendant la mousson, de juin à octobre. En outre, pendant cette période, l’insuffisance des installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement augmente le risque de maladies d’origine hydrique comme l’hépatite, la diarrhée aiguë et la dengue parmi la population réfugiée.

La crise se poursuit au Myanmar

Plus de trois ans après la prise de pouvoir militaire en février 2021, le Myanmar reste confronté à une crise humanitaire urgente, affectant un tiers de sa population – environ 18,6 millions de personnes.

Ce chiffre impressionnant représente près de 19 fois les estimations d’avant la prise du pouvoir par l’armée, soulignant la gravité de la situation, marquée par une violente répression.

Depuis octobre 2023, les affrontements entre l’armée et les factions armées de l’opposition se sont intensifiés et se sont étendus à travers tout le Myanmar. Les actions de l’armée, notamment le ciblage des civils et les campagnes de recrutement forcé, ont conduit à des déplacements généralisés.

Dans l’État de Rakhine, l’escalade de la violence entre l’armée du Myanmar et l’armée d’Arakan, un groupe séparatiste, a atteint une intensité sans précédent, aggravant les vulnérabilités existantes.

Les pressions économiques s’accumulent, exacerbant l’insécurité alimentaire, qui va toucher 12,9 millions de personnes en 2024. Les femmes, les filles, les personnes handicapées et les Rohingyas apatrides figurent parmi les plus touchés.

Un exode qui continue, par des routes dangereuses

La situation au Myanmar a permis à des économies illicites de prospérer. Le pays est devenu une plaque tournante de la production de méthamphétamine et d’opium, mais aussi une plateforme en essor pour des opérations mondiales d’escroqueries en ligne.

Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, plus de 1 600 civils  auraient été tués par l’armée en 2023, soit 300 personnes de plus qu’en 2022. Au 26 janvier 2024, des sources crédibles avaient documenté l’arrestation de près de 26 000 personnes pour des raisons politiques. Plus de 4 600 personnes ont été tuées par l’armée depuis février 2021, dont des centaines de femmes et d’enfants.

Un grand nombre de Rohingyas continuent de fuir vers des pays plus sûrs, en prenant souvent d’immenses risques. En 2023, sur les 6 500 réfugiés voyageant par voie terrestre et maritime, la quasi-totalité des 569 personnes mortes ou disparues l’a été au cours de traversées maritimes.

En outre, en mai 2023, le cyclone Mocha, l’un des plus forts jamais rencontrés dans la région, a frappé le Bangladesh et le Myanmar. Ce cyclone a affecté plus de 10 millions de personnes dans les deux pays, dont les réfugiés rohingyas au Bangladesh.

La réponse de l’ONU face à la crise frappant les Rohingyas

Le Myanmar est en train de sombrer dans l’oubli. Le Plan de réponse et de besoins humanitaires au Myanmar pour 2023 de l’ONU n’a pas reçu plus du tiers du financement requis. Les humanitaires auront besoin de près de 1 de dollars pour atteindre 5,3 millions de personnes prioritaires pour une aide d’urgence.

Le Plan de réponse conjoint pour 2024 à la crise humanitaire des Rohingyas vise à aider quelque 1 million de réfugiés à Cox’s Bazar et sur l’île de Bhasan Char, ainsi que 346 000 personnes des communautés d’accueil en leur fournissant de la nourriture, un abri, des soins de santé, un accès à l’eau potable, des services de protection et une éducation.

Six agences des Nations Unies, dont l’Organisation internationale des migrations (OIM), le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ONU Femmes et le Programme alimentaire mondial (PAM), mettent en œuvre des mesures d’aide aux réfugiés rohingyas dans les camps de réfugiés de Cox’Bazar et sur l’île de Bhasan Char suite à l’allocation de plus de 9 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies en janvier 2023.

Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Tom Andrews, a publié plusieurs déclarations appelant à une action internationale coordonnée qui soutienne les efforts du peuple du Myanmar.

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