Les étudiants, victimes collatérales de la COVID-19

Isolés, abandonnés, déprimés… Les mots se succèdent pour décrire la détresse des étudiants qui pour la plupart doivent étudier en ligne et sont privés de toutes interactions sociales. A la paupérisation croissante s’ajoute la souffrance psychologique d’une solitude à l’ampleur inédite. Des initiatives s’organisent pour leur venir en aide.

Selon l’UNESCO « la moitié des élèves et étudiants continuent d’être affectés par la fermeture totale ou partielle des écoles et des universités » dans le monde, soit plus de 800 millions de jeunes.

« Les fermetures prolongées et répétées des établissements d’enseignement font payer un tribut psychosocial croissant aux élèves, augmentant les pertes d’apprentissage et le risque d’abandon, et touchent de manière disproportionnée les plus vulnérables », a déclaré la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay à l’occasion de la journée internationale de l’éducation. « Les fermetures complètes d’écoles doivent donc être un dernier recours et leur réouverture en toute sécurité une priorité », a ajouté Mme Azoulay.

En Belgique, 80% des étudiants francophones se sentent partiellement ou totalement fragilisés psychologiquement, avec en conséquence un risque de décrochage scolaire pour 60% d’entre eux, ou pire. Dans l’Hexagone, près de 11,4% des étudiants disent avoir eu l’idée de mettre fin à leur jour au moins une fois pendant le premier confinement.

Organisations, universités et étudiants eux-mêmes s’organisent pour surmonter les effets de la crise sanitaire.

Solidaires contre la faim

Privés des petits boulots qui leur permettaient de financer leur quotidien, les étudiants les plus précaires ont du mal à se nourrir et ils sont de plus en plus nombreux, comme l’a constaté en France le Secours populaire, à fréquenter les centres de distributions de vivres.

Pendant le premier confinement, des associations se sont mobilisées au sein de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) et les 360 bénévoles de leur réseau des « AGORAé », 24 espaces d’échanges et d’épiceries solidaires en France, ont distribué 29 000 repas à plus de 12 000 étudiants. Les frigos solidaires en développement sont d’autres dispositifs de retrait de denrées alimentaires collectées par une association mais à une échelle plus réduite.

Les jeunes préfèrent ces distributions solidaires, souvent d’étudiants à étudiants, plutôt que les centres d’aides conventionnels. En parallèle, les restaurants universitaires se sont adaptés pour distribuer également des paniers repas, ou permettre la vente à emporter de repas pour un euro aux étudiants moins précaires mais toujours dans le besoin.

Briser l’isolement

Outre les soucis financiers, les étudiants sont frappés de plein fouet par l’isolement à un âge où la sociabilité est fondamentale. Souvent logés dans des espaces exigus, chambres universitaires ou chambre de bonnes, ces jeunes passent leur journée devant un ordinateur, sans sorties, sans distraction autre qu’en ligne sans interactions sociales.

Au premier confinement, l’Association fédérative des étudiants Picto-charentais a lancé un serveur de conversation et de messagerie instantanée sur l’application Discord. Les étudiants peuvent par ce biais discuter en groupe sur des thématiques pédagogiques, des loisirs et des passions, ou simplement parler de leurs ressentis à d’autres étudiants. Cette initiative partagée par divers associations s’est étendue dans d’autres villes comme Lille, Rennes et Strasbourg. Outre-Quiévrain, les universités font preuves de créativité dans l’organisation d’évènements favorisant les interactions sociales. A Anvers, les étudiants ont pu faire connaissance au travers de rencontres brèves en ligne ou « speed-meeting », ou à Gand, à l’occasion d’un quiz sur les élections américaines et d’une compétition de photographies.

L’espace virtuel devient un lieu de partage et de détente collectif. Des associations, dont certaines liées à la FAGE, utilisent ce potentiel social des applications tel que Discord pour mettre en place des sessions de jeux, de concours ou simplement des conversations anodines dans une vie normale sur les cours, des films ou des musiques.

Les gouvernements réagissent

Les étudiants ont lancé des appels répétés aux autorités de leur pays pour demander de l’aide. Ces alertes lancées par les « derniers déconfinés », comme ils se nomment, ont ouvert la voie à de nouvelles mesures gouvernementales et universitaires. Quelque 20 000 étudiants doivent être recrutés en France dans les mois à venir pour des postes de tuteurs envers leurs camarades des années inférieures pour faciliter la communication et l’entraide au sein des filières universitaires. Des dispositifs d’aides financières d’urgence se développent par le CROUS à hauteur de 500 euros pour les jeunes diplômés en recherche d’emploi ou par les universités elles-mêmes.

Le gouvernement français a également annoncé des « chèques soutien psychologique » pour que les étudiants puissent consulter ainsi que le recrutement de 80 nouveaux psychologues attachés aux universités, ce qui en double le nombre.

Dans une lettre ouverte publiée dans la presse belge, des parents de jeunes confinés ont interpellé les responsables politiques : « Ouvrez les auditoires. C’est une priorité. Organisez-vous pour qu’ils puissent retourner suivre les cours. Les règles sanitaires ils les connaissent et ne demandent qu’à pouvoir les appliquer. Ils trépignent aussi de se voir à plus de deux, de refaire du sport et, plus fou encore, de refaire le monde. Qui en a bien besoin. »

L’UNESCO fournit des conseils et expertises aux ministères de l’éducation et de l’enseignement de plusieurs Etats pour faciliter le partage d’expérience et la coopération multilatérale en faveur des étudiants, par exemple avec la promotion des outils de téléenseignement.

La promotion d’une éducation de qualité pour le monde entier demeure l’un des Objectifs de développement durable fixé par les Nations Unies pour l’horizon 2030.

« L’éducation est la clef du développement personnel et de l’avenir de nos sociétés », insiste le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, qui recommande de donner la priorité absolue au retour des élèves dans les écoles et autres centres d’enseignement « lorsque la transmission du COVID-19 à l’échelle locale sera jugulée ». La France a autorisé un retour partiel des étudiants de première année sur les campus mais cette mesure est jugée insuffisante et pourrait être remise en cause selon l’évolution de la pandémie.

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