Migration : deux fois plus de morts dans le Sahara qu’en Méditerranée

« Au cours de ce voyage, personne ne se soucie de savoir si vous vivez ou si vous mourez ». Tel est le titre d’un nouveau rapport publié le 5 juillet 2024 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Centre mixte pour les migrations (CMM).

Selon le rapport, basé sur plus de 31 500 témoignages dans 217 lieux différents, des formes extrêmes de violence et d’exploitation sont subies par les réfugiés et les migrants. Et ce, non seulement en mer, mais aussi sur les routes terrestres menant à la côte méditerranéenne de l’Afrique.

La traversée du Sahara, plus mortelle que celle de la Méditerranée

Sachant que plus de personnes traversent le Sahara que la mer Méditerranée, le rapport estime que le nombre de décès dans le désert serait deux fois plus élevé qu’en mer, même si les dangers qui les provoquent sont beaucoup moins documentés et médiatisés.

« Au total, on sait que 1 180 personnes sont mortes en traversant le Sahara entre janvier 2020 et mai 2024, mais on pense que le nombre est beaucoup plus élevé. Au cours de la même période, environ 7 115 personnes seraient mortes ou portées disparues en mer Méditerranée. »

Sur le millier de décès répertoriés sur les itinéraires terrestres, 42 % ont été causés par des accidents de la route, 24 % par des conditions difficiles (exposition au soleil, déshydratation et famine), et 12 % en raison de violences.

Des départs de plus en plus nombreux

Le rapport explique que dans les vastes étendues du désert, « la collecte d’informations sur les décès est extrêmement difficile, en raison de l’éloignement des itinéraires, de la difficulté ou de l’absence d’accès aux centres de détention officiels et non officiels, de la rareté ou de l’absence de rapports des autorités ou de couverture médiatique. Les chiffres sont susceptibles de sous-représenter gravement la situation. »

S’étendant sur une période de trois ans de collecte de données (janvier 2020-mars 2023), le rapport met en garde contre une augmentation du nombre de personnes qui tentent ces traversées périlleuses.

La situation se dégrade dans les pays d’origine

La raison tient en partie à la détérioration de la situation dans les pays d’origine en Afrique, avec de nouveaux conflits au Sahel et au Soudan. L’impact  du changement climatique dans l’Est et la Corne de l’Afrique joue aussi, tout comme le racisme et la xénophobie à l’encontre des réfugiés et des migrants.

Ces derniers traversent de plus en plus souvent des zones où opèrent des groupes d’insurgés, des milices et d’autres acteurs criminels. Les violations des droits de l’homme y sont monnaie courante.

Certains itinéraires de trafic se déplacent désormais vers des régions plus éloignées afin d’éviter les zones de conflit actif ou les contrôles frontaliers effectués par des acteurs étatiques et non étatiques, ce qui expose les personnes en déplacement à des risques encore plus grands.

Violences des bandes criminelles, des groupes armés, de la police et de l’armée

Parmi la litanie de risques et d’abus signalés par les réfugiés et les migrants figurent la torture, la violence physique, la détention arbitraire, la mort, l’enlèvement contre rançon, la violence et l’exploitation sexuelles, la réduction en esclavage, la traite des êtres humains, le travail forcé, le prélèvement d’organes, le vol, la détention arbitraire, les expulsions collectives et le refoulement.

Les bandes criminelles et les groupes armés seraient les principaux auteurs de ces abus, en plus des forces de sécurité, de la police, de l’armée, des agents d’immigration et des gardes-frontières.

« Les récits de viols, de tortures pour obtenir des rançons des familles et de longues périodes de détention arbitraire dans des conditions choquantes sont récurrents », selon le rapport.

L’aide humanitaire ne suffit pas pour les routes du Sahara

Malgré les engagements pris par la communauté internationale pour sauver des vies et remédier aux vulnérabilités, conformément au droit international, les trois organisations préviennent que l’action internationale actuelle est insuffisante.

Les organisations appellent à des réponses de protection concrètes, basées sur les itinéraires, afin de sauver des vies et de réduire les souffrances, ainsi qu’à un effort pour s’attaquer aux causes profondes des déplacements. Ces efforts vont de la consolidation de la paix au respect des droits de l’homme, en passant par la gouvernance, le changement climatique et la cohésion sociale.

La création de voies d’accès sûres pour les migrants et les réfugiés s’impose également. Ces voies devraient englober les pays d’origine, d’asile, de transit et de destination.

Le rapport plaide pour « des efforts continus pour donner des informations fiables à ceux qui prévoient de se déplacer, démystifier les « fake news » postées par les passeurs, et contrer le rôle des médias sociaux dans l’idéalisation des mouvements migratoires clandestins, ou de la vie dans les pays de destination ».

Le HCR, l’OIM et le CMM recommandent « d’enquêter et poursuivre les responsables de crimes contre les réfugiés et les migrants, y compris les trafiquants d’êtres humains ».

LIENS UTILES

Migration vers l’UE : les faits, plutôt que les perceptions

 

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