Soudan, la tragédie recommencée

Il y a tout juste un an, une guerre entre deux groupes militaires éclatait au Soudan.  Le conflit, toujours en cours, a engendré une des plus graves crises humanitaires au monde.

Le conflit a débuté le 15 avril 2023. Il  a déjà coûté la vie à plus 12 000 personnes, et poussé 8,5 millions de personnes à fuir. C’est la plus grande crise de déplacement au monde. Les conditions de sécurité, très dégradées, rendent l’accès à l’aide très compliqué.

Plus de 1,8 millions de personnes ont fui vers des pays voisins, notamment au Soudan du Sud et au Tchad, qui connaît le plus grand afflux de réfugiés de son histoire. Ces deux pays, très pauvres et fragiles, ont beaucoup de mal à accueillir autant de réfugiés.

Sur les 600 000 Soudanais qui ont traversé la frontière, un quart vivent dans des camps insalubres et surpeuplés. On estime que 50 000 enfants de moins de 5 ans sont malnutris.

La République centrafricaine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Ouganda et dans une moindre mesure l’Europe accueillent aussi des milliers de personnes déracinées, poussées à l’exil par le conflit. 

La catastrophe humanitaire en cours ne menace pas seulement le pays, elle pourrait également entraîner des conséquences dévastatrices à l’échelle régionale.

situation au Soudan

Il y a 20 ans : nettoyage ethnique, crime contre l’humanité et génocide

Il y a 20 ans, quasi jour pour jour, le Soudan était déjà à la Une de l’actualité. La guerre au Darfour, région à l’ouest du Soudan) oppose populations arabophones (dont les milices Janjawids) et les peuples noirs-africains non arabophones faisant des dizaines de milliers de morts et au moins un million de déplacés et réfugiés. 

En mars 2004, le coordinateur humanitaire de l’ONU au Soudan déclare que la situation dans la région soudanaise du Darfour est « la plus grande catastrophe humanitaire actuelle », et Jan Egeland (chargé des affaires humanitaires de l’ONU) évoque un « nettoyage ethnique ». 

Le 31 juillet 2007 est adoptée la résolution 1769 et la mission des Nations Unies et de l’Union africaine (MINUAD) est chargée d’assurer la protection des civils et de restaurer l’état de droit.

En mars 2009 puis en juillet 2010, la Cour pénale internationale (CPI) émet un mandat d’arrêt international contre Omar el-Bechir, alors président depuis 1996. Il est accusé de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide dans le cadre de la guerre civile au Darfour.

Malgré les accusations portées contre lui et ce mandat d’arrêt, il restera au pouvoir jusqu’en 2019, quand il est renversé lors d’un coup d’État militaire mené par les généraux Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Dogolo.

Depuis, une lutte de pouvoir entre ces deux généraux s’est engagée. D’un côté, les Forces armées soudanaises (SAF) menées par le général Fattah al-Burhan, constituent l’armée officielle soudanaise. De l’autre, les Forces de soutien rapide (RSF) du général Hamdan Dogolo – dit Hemeti. Elles forment les forces paramilitaires soudanaises qui comptent dans leurs rangs des mercenaires arabes Janjawids.

De nouvelles graves atteintes aux droits humains

Dès juin 2023, trois mois après le début de ce nouveau conflit, l’ONU s’inquiétait de possibles « crimes de guerre », notant que « les milices arabes et certains hommes armés portant l’uniforme de la Force de soutien rapide (RSF) seraient à l’origine d’attaques ciblées à grande échelle contre des civils en raison de leur identité ethnique ».

« La violence au Darfour occidental est choquante. Si elle se poursuit, elle peut déboucher sur de nouvelles campagnes de viols, de meurtres et d’épuration ethnique constituant des crimes d’atrocité », a averti Alice Wairimu Nderitu, conseillère spéciale des Nations Unies pour la prévention du génocide, sur le conflit au Soudan. 

Actuellement, près de la moitié de la population (24,7 millions de personnes) a besoin d’assistance, dont 14 millions d’enfants, dépendant désespérément de l’aide humanitaire. D’autant plus que les infrastructures censées garantir la sécurité de la population tombent en ruine, laissant les Soudanais livrés à eux-mêmes. 

C’est le cas du système de santé avec plus de 80 % des hôpitaux hors service, tandis que des épidémies, comme le choléra, continuent de se propager. Sans hôpitaux ni salubrité, ce sont plus de 11 millions de personnes qui sont dans l’attente d’assistance médicale.

En ce qui concerne la nourriture, elle devient aussi de plus en plus rare, mettant près de 20 millions de personnes face à une insécurité alimentaire aiguë. La malnutrition touche 4 millions de personnes, en particulier les plus vulnérables, incluant des enfants et des femmes enceintes.

Les enfants sont particulièrement touchés par le conflit en cours, qui les prive de nourriture, de soins mais aussi d’école : 19 millions d’enfants n’ont plus accès à l’éducation. 

Cette crise humanitaire désastreuse est aggravée par les violations régulières des droits des Soudanais. Les structures de police existantes sont surchargées et laissent la population désarmée face à des séparations de familles, des violences sexuelles et sexistes. 

Conférence des donateurs à Paris le 15 avril

Face aux énormes besoins, une conférence destinée à lever des fonds se tiendra le 15 avril à Paris, un an exactement après le début du conflit. 

Organisée par la France, elle réunira des organisations internationales, les principaux partenaires du Soudan, ses pays voisins et les acteurs humanitaires qui y opèrent. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’exprimera en vidéo.  

Le plan d’intervention humanitaire au Soudan a été revu pour faire face à l’aggravation du conflit et nécessite un financement de 2,6 milliards de dollars pour aider plus de 18 millions de personnes d’ici la fin de l’année. Cependant, au 8 janvier 2024, les fonds récoltés n’avaient atteint que 41 % de l’objectif fixé. Le plan d’intervention en faveur des réfugiés d’un montant de 1,8 milliard de dollars, n’est financé qu’à hauteur de 38 %.

La conférence doit aussi faire valoir les engagements pris à Djeddah le 11 mai et le 4 novembre 2023 par les parties au conflit, garantissant un accès humanitaire libre à l’ensemble du territoire soudanais. 

 

A lire l’ONU : l’ONU et la crise au Soudan

 

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