Monsieur météo, photographe et défenseur du climat, interview avec Ruben Weytjens

Aurore boréale Norvège
©Ruben Weytjens

« Vous n’avez pas besoin de faire des choses extrêmes pour apporter votre contribution à un meilleur climat »

Lauréat du concours photo organisé par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), avec une image d’aurore boréale en Norvège reproduite dans le calendrier annuel de l’Organisation, le présentateur météo belge Ruben Weytjens, nous raconte sa passion mais aussi ce qu’il a vu des ravages des changements climatiques.

Comment capture-t-on une aurore boréale ?

Vous ne savez jamais avec certitude ce que vous pourrez voir et quand vous pourrez faire une photo. C’est ce qui rend la chasse aux aurores si passionnante. Si vous voulez, vous pouvez la comparer à la ruée vers l’or. D’ailleurs, je pense avoir la fièvre des aurores boréales.

Les aurores boréales sont un phénomène fantastique qui relie la météo spatiale et la météo atmosphérique. Les aurores boréales proviennent de la fusion nucléaire du soleil, où des particules chargées électriquement s’échappent de la couronne et, après un voyage de 150 000 000 km dans l’espace, se retrouvent dans notre atmosphère après avoir été guidées à travers le champ magnétique terrestre jusqu’aux régions polaires.

Le fait que nous, humains, puissions observer à l’œil nu ces phénomènes lumineux qui se produisent après des collisions avec des atomes d’oxygène et des molécules d’azote est incroyable. Je l’ai vu des centaines de fois, de toutes les couleurs et de toutes les formes.

Lors de vos voyages avez-vous constaté des signes visibles de changements climatiques ?

Ruben dans la neige
©Ruben Weytjens

Il y a trois ans au Spitzberg, en Norvège, j’ai été témoin d’une avalanche due au temps extrêmement doux. Elle s’est arrêtée à environ 300 mètres de l’endroit où je me trouvais. Le lendemain, une rue entière a été déclarée inhabitable en raison du risque d’avalanches répétées. Des dizaines de personnes se sont soudainement retrouvées sans abri et ont dû quitter la zone. Lorsque le permafrost (un sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs, ndlr) a commencé à dégeler, même la Réserve mondiale de semences du Svalbard, l’endroit où des millions de semences du monde entier sont conservées, a été menacée d’être inondée.

J’ai constaté de visu la fonte rapide de la calotte glaciaire du Groenland, dont les médias parlent souvent. Je n’oublierai jamais l’émotion d’une guide Inuit en novembre dernier quand elle a voulu nous montrer les icebergs près d’Ilulissat et qu’elle a découvert qu’ils dérivaient tous dans l’océan. La fonte a été si rapide que les icebergs sont devenus trop petits pour rester stables sur les fonds marins. Cela a un impact énorme sur l’écosystème.

Le réchauffement climatique a également des conséquences sur les animaux. Tant dans le nord de la Norvège qu’en Laponie finlandaise, les rennes, essentiels pour la population sámi, risquent de mourir de faim en hiver. Un dégel régulier les empêche de trouver de l’herbe et de la mousse. Sur la couverture neigeuse, des croûtes de glace apparaissent, qui d’une part sont trop difficiles à traverser, et d’autre part arrêtent l’odeur de l’herbe et de la mousse. Les rennes, affaiblis, constituent une proie facile pour leurs prédateurs naturels.

L’Islande, l’année prochaine, lancera un projet où différents types de céréales seront cultivés. Des champs de blé en Islande … Incroyable, mais bientôt une réalité !

Vous donnez également des conférences sur le changement climatique. Quel est le message que vous essayez de faire passer ?

Ruben prend une photo dans d'un tour guidé en Islande
©Ruben Weytjens

Il y a encore quelques années, j’essayais surtout de montrer que le climat se réchauffe plus vite que jamais et que l’humanité en est responsable. Aujourd’hui, cependant, l’accent est davantage mis sur l’adaptation que sur l’atténuation. Bien sûr, nous devons faire de notre mieux pour éviter le pire, mais maintenant qu’il est clair que nous devrons de toute façon en supporter les conséquences, il est donc important de nous préparer et de nous adapter progressivement. Je ne pointe du doigt personne, aussi non les gens répondent par la défensive. Nous avons tous une responsabilité. Personne ne peut vivre sans « péchés climatiques » mais si tout le monde contribuait au travers de la sensibilisation, nous pourrions tous ensemble faire une grande différence.

Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs en matière d’action climatique ?

Je voudrais surtout que chacun se rende compte qu’il n’est pas nécessaire de faire des choses extrêmes pour participer à la lutte contre les changements climatiques. Il n’est pas nécessaire de devenir végétarien, manger moins de viande est aussi une bonne chose. Vous n’avez pas besoin de ne plus jamais prendre l’avion, voler moins souvent est déjà bien. Vous n’êtes pas obligé de rester sans enfant, un enfant de moins aide beaucoup. Vous n’avez pas à sacrifier une pelouse pour un pré de fleurs, mais un petit morceau vous aidera aussi … Et ainsi de suite.. Chacun peut faire sa part à sa manière avec ses propres priorités.