Annick Hiensch

Annick Hiensch

Les 14 et 15 juin prochains, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, effectue une visite en Belgique dans le cadre des Journées européennes pour le développement. Pour l’occasion, UNRIC s’est entretenu avec la néerlandaise Annick Hiensch, Responsable des affaires politiques pour UNLOPS, le Bureau de liaison de l’ONU pour la paix et la sécurité à Bruxelles. Elle est également la greffière attitrée de Ban Ki-moon lorsqu’il est en visite en Europe occidentale, c’est pourquoi elle est la personne idéale pour nous donner un aperçu des coulisses d’une telle visite.

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« J’ai toujours eu l’envie de faire une carrière internationale »

Avec un diplomate pour père, Annick était prédestinée à emprunter un chemin international. « Lorsque j’avais huit ans, mon père travaillait pour la Représentation permanente des Pays-Bas à New York. J’ai toujours eu l’envie de faire une carrière internationale. » Cependant, Annick a d’abord voulu s’orienter vers la médecine pour aider les gens, et elle a combiné des études en économie avec un programme préparatoire en médecine. Elle a élargi ses horizons en faisant un stage dans un hôpital proche de la bande de Gaza. « En plus du côté médical, ce stage comportait également un aspect politique très intéressant. »

Petit à petit le rêve d’Annick de devenir médecin a fait place à son ambition diplomatique. Elle a choisi de suivre un master en administration publique avec une spécialisation en finance publique dans la prestigieuse université de Cornell à New York. L’université avait des liens solides avec le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, pour lequel Annick a eu la chance d’effectuer six mois de stage en 2006 dans le cadre de ses études de master. « Pendant ce stage, j’ai réalisé que je pouvais aussi changer les choses sans forcément être médecin. Avec l’ONU, vous pouvez aider beaucoup de gens dans le domaine humanitaire. » Par la suite, Annick a continué son parcours au sein de l’ONU en participant à l’ancien programme d’été annuel du DAES, le Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat des Nations Unies.

Après ses études, Annick a été sélectionnée pour prendre part au Programme de stage « Livre bleu » de la Commission européenne. L’Unité pour l’efficacité de l’aide de la direction générale du développement et de la coopération (DG DEVCO) de la Commission européenne lui a proposé un contrat à la fin de son stage. Un an plus tard, Annick a postulé pour un poste de JEA au Département des relations publiques du bureau du sous-Secrétaire général à New York. « Ma mission consistait à préparer les points de discussion du Secrétaire général. Mon expérience à la Commission européenne, où la préparation des points de discussion du Président de la Commission est une tâche-clé, m’a été très utile. » Pour des raisons familiales, elle a pu continuer son travail de JEA au Département des relations publiques de Bruxelles. Par la suite, elle a continué à travailler sur base de contrats fixes.

« Nous ne sommes que cinq à travailler ici. Tout le monde doit donc être au courant de tout, tout le temps »

Annick s’est hissée jusqu’au poste de Responsable des affaires politiques du Département des affaires politiques (DAP) au UNLOPS, à Bruxelles. « C’est un job très varié. J’écris des rapports hebdomadaires sur le travail de l’Europe et des différentes institutions à Bruxelles en rapport avec la paix et la sécurité. Ensuite, je prépare les visites de représentants spéciaux, je donne des conférences sur l’ONU et je m’occupe de la formation d’employés de l’EU avant qu’ils ne partent en mission de terrain. » Malgré un emploi du temps chargé, Annick travaille dans un petit bureau. « Nous ne sommes que cinq à travailler ici. Tout le monde doit être au courant de tout, tout le temps. » Mais ce’ qu’elle préfère dans sa fonction c’est le contact avec le terrain. « Aller moi-même sur le terrain est difficile. J’ai deux jeunes enfants et là je suis de nouveau enceinte. Heureusement, des gens de terrain viennent régulièrement à Bruxelles et je peux alors les côtoyer lors d’évènements auxquels ils participent. Ainsi, j’ai la chance d’apprendre de leur travail et de leurs différentes personnalités. » Cela dit, travailler pour le DRP n’est pas toujours rose. « Vous êtes tout le temps confronté à la misère. Toute la journée, vous lisez des rapports sur les pires atrocités qui se passent en Syrie. En revanche, vous avez aussi le sentiment que vous allez un peu aider les gens en faisant ça. »

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« Avec une telle visite, vous réalisez que l’ONU fait du bon travail dans beaucoup de domaines différents »

Quatre à cinq fois par an, Annick accompagne le Secrétaire-général Ban Ki-moon lors de ses visites en Europe occidentale. Elle était d’ailleurs avec lui à La Haye au Pays-Bas en avril dernier pour le 70e anniversaire de la Cour internationale de Justice. Et elle fera de nouveau partie de son équipe pendant sa visite en Belgique pour les Journées européennes du développement (voir cadre). « De telles visites sont très intéressantes. Vous pouvez réellement observer les différents côtés du métier de Secrétaire-général tels que les réunions bilatérales et ses interactions avec le public. » Annick est la greffière attitrée de Ban Ki-moon lors de ses visites. « C’est assez difficile de tout suivre. Dans notre bureau, nous sommes par exemple spécialisés dans ce qui concerne la paix et la sécurité, mais pendant une de ces visites, tellement de thèmes sont abordés comme le changement climatique et le développement durable. Ça vous fait réaliser que l’ONU fait du bon travail dans beaucoup de domaines différents. »

Les 14 et 15 juin 2016, le Secrétaire-général de l’ONU Ban Ki-moon effectuera une visite en Belgique dans le cadre des Journées européennes du développement (EDD 2016), le forum européen autour du développement et de la coopération internationale qui est organisé pour la dixième année consécutive par la Commission européenne. « Une telle visite demande des mois de préparation. La Commission a envoyé l’invitation huit mois avant. Puis, il a fallu s’assurer que la visite rentre dans son agenda. »

Une visite du Secrétaire-général est toujours une affaire trépidante. « Vous devez courir d’une réunion à l’autre. Rater le « convoi » est le pire cauchemar de tous ceux qui collaborent sur cette visite. Quand Ban Ki-moon monte dans sa voiture, il est parti. Si vous ne vous trouvez pas dans une des voitures qui le suit, vous manquez la prochaine rencontre. À une reprise, j’ai moi-même manqué le « convoi » lors d’une visite en Norvège, mais heureusement, ce jour-là, il n’y avait plus aucune réunion à l’agenda. »


« Ban Ki-moon travaille très dur et a besoin de peu de sommeil. Il peut descendre de l’avion et quand même effectuer le programme prévu pour toute la journée. »

Après toutes ces années, Annick a une image plus claire de l’homme derrière Ban Ki-moon. « Il est très gentil et il prend toujours le temps de discuter avec ses collaborateurs. À chaque visite, il organise un petit déjeuner avec toute l’équipe pour que vous ayez l’opportunité de parler avec lui. Il y attache beaucoup d’importance. Il vous appelle par votre prénom et sait quelle est votre fonction. » D’un point-de-vue professionnel, Annick s’est vite rendue compte qu’il est un acharné de travail. « Il travaille très dur et a besoin de peu de sommeil. Il peut descendre de l’avion et quand même effectuer le programme prévu pour toute la journée. C’est assez difficile pour les gens autour de lui. Ils n’ont bien sûr pas le choix et doivent aussi travailler dur. »

Annick remarque que son travail apprécié par Ban Ki-moon. « Certains hauts fonctionnaires de l’ONU n’utilisent jamais leurs points de discussion, alors que vous avez passé deux jours à les écrire. Ce n’est évidemment pas agréable, mais avec Ban Ki-moon ça n’arrive jamais. Il lit toujours tout ce qu’on lui donne. » Et surtout, le Secrétaire-général est, selon Annick, un excellent diplomate. « Il fait de très bonnes évaluations politiques de ce qu’il peut dire et n’y va pas par quatre chemins. Les visites en Europe occidentales sont considérées comme « faciles » parce que les gens ici trouvent que l’ONU est géniale et il n’y a souvent aucun problème. Mais de temps en temps, je l’entends téléphoner à des pays qui par exemple enfreignent les Droits de l’homme et je vois qu’il peut être intransigeant quand il le faut. » Lorsqu’on l’interroge sur les plus grands accomplissements de Ban Ki-moon, Annick ne doit pas réfléchir longtemps avant de répondre : « Ce qu’il a fait pour les objectifs de développement durable est une vraie performance. L’Accord de Paris sur le climat est naturellement aussi une étape importante dans son mandat. À côté de ça, il s’implique énormément dans la prévention des conflits, tandis que la priorité de Kofi Annan, son prédécesseur, était plutôt la gestion de crises et la réponse à y apporter. »

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Fin 2016, le deuxième mandat de Ban Ki-moon prendra fin et un nouveau Secrétaire-général sera élu. « Le Secrétaire-général est en réalité notre patron, donc cette élection est très importante pour notre bureau. Mais au final, nous n’avons aucune influence quant au résultat puisque ce sont les États-Membres qui doivent voter. »

La prochaine élection du Secrétaire-général sera différentes des précédentes. En effet, l’ONU veut toujours introduire une procédure d’élection transparente. Ainsi, en avril, les différents candidats ont eu la possibilité de se présenter devant l’Assemblée générale. Lors d’un débat public, ils ont dû exposer et défendre leur vision, et se sont vu poser des questions critiques poussées. « Il existe une règle officieuse qui dit que cette fois, le poste ira à un candidat d’Europe orientale, mais il y a naturellement d’autres bons candidats », confie Annick. « Personnellement, j’espère que le prochain Secrétaire-général sera une femme. »


« Vous devez considérer les stages comme un long entretien. Vous devez travailler dur, être très proactif et constamment essayer de deviner ce dont votre patron a besoin »

Annick aime beaucoup travailler pour l’ONU et veut continuer à occuper son poste actuel dans l’Organisation. « Cela fait maintenant cinq ans que je travaille pour UNLOPS et huit ans pour un département des affaires politiques. À l’ONU, on ne peut désormais rester au même poste que pendant sept ans maximum. Dans deux ans, je quitterai donc Bruxelles. Je trouverais intéressant de pouvoir par exemple aller en mission ou travailler avec un envoyé. Retourner à New York est également toujours une option. » Au niveau du secteur dans lequel elle pourrait travailler, Annick est plutôt flexible. « Ça ne me dérangerait pas de m’orienter à nouveau vers le côté économique ou humanitaire. »

Pour les jeunes qui voudraient un jour intégrer les Nations Unies, Annick à quelques conseils. « Faire des stages est très importants. Vous apprenez à connaître le travail de l’ONU, vous créez des contacts et vous avez une bonne référence. Vous devez considérer les stages comme un long entretien. Vous devez travailler dur, être très proactif et constamment essayer de deviner ce dont votre patron a besoin. » La persévérance est essentielle selon elle. « Mes candidatures ont souvent été rejetées, mais j’ai continué d’en envoyer. Avec un peu de chance, vous tomberez sur un employeur qui recherche ce que vous avez à offrir. C’est un atout d’être flexible et d’avoir des connaissances multidisciplinaires, comme ça vous pourrez travailler dans des domaines différents. » Enfin, de par sa propre expérience, Annick peut confirmer que la connaissance de l’anglais est absolument essentielle pour réussir à l’ONU. « L’anglais reste la principale langue de travail des Nations Unies. Une formation en anglais est vivement recommandée », affirme-t-elle.