Conseil de sécurité : l’impossible réforme ?

Par quatre fois déjà depuis le 7 octobre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a échoué à adopter une résolution sur le conflit qui oppose Israël au Hamas dans la bande de Gaza.

Ce blocage, dû notamment au droit de veto des cinq membres permanents (Etats-Unis, France, Russie, Grande-Bretagne, Chine), n’est pas nouveau et a été souvent synonyme de paralysie de l’ONU.

Depuis 1945 et la création de l’ONU, le monde a changé, mais pas les institutions onusiennes. Le Secrétaire général, António Guterres, a plaidé à plusieurs reprises pour une réforme de ces institutions, en particulier le  Conseil de sécurité. Il a clairement indiqué qu’il n’y avait pas d’alternative. « C’est la réforme ou la rupture », a-t-il déclaré en septembre dernier lors de l’Assemblée générale de l’ONU.

Serpent de mer

La réforme du Conseil de sécurité est un véritable serpent de mer, évoquée depuis des années, mais jamais effectuée. Les deux principales questions qui alimentent le débat sont le droit de veto et la représentativité de ses membres. 

Issu de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil de sécurité est l’émanation de la volonté des vainqueurs et des grandes puissances. Cet organe, chargé du maintien de la paix et de la sécurité, est composé de dix membres non permanents élus tous les deux ans et de cinq membres permanents, détenant le fameux droit de veto qui leur permet de bloquer les décisions. Parmi ces cinq permanents, pas de représentants de continents, sous-continents ou régions entières, comme l’Amérique du Sud, l’Afrique ou les Caraïbes. 

Un élargissement du Conseil de sécurité encore trop étroit

Depuis sa création il y a 78 ans, le Conseil de sécurité des Nations Unies n’a connu qu’une seule expansion en 1965, passant de onze à quinze membres, avec l’ajout de quatre sièges élus de membres non permanents. 

En 2005, le « G4 », un groupe composé de l’Allemagne, du Japon, de l’Inde et du Brésil, avait déjà insisté sur un projet de résolution prévoyant un élargissement à 25 membres, dont 6 nouveaux sièges permanents. 

La France y était favorable et soulignait l’importance de renforcer la présence des pays africains, parmi les membres permanents et parmi les membres non permanents, pour réparer l’injustice faite à ce continent. 

Les velléités de l’Afrique pour entrer au Conseil de sécurité

Avec ses 54 pays membres et 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique représente plus d’un quart des membres de l’ONU, 18 % de la population mondiale et 50 % des questions à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. 

 Les dirigeants africains ont également soumis en juillet 2005 un plan, « le consensus d’Ezulwini », qui prévoyait de donner à l’Afrique  deux sièges permanents au Conseil de sécurité, et cinq de membres non permanents au lieu des deux que le continent occupe depuis depuis 1965. 

Cependant, l’Afrique semble toujours en quête d’une stratégie claire pour faire avancer sa cause. Le groupe « C10 », chargé de négocier cette réforme compte dix membres, mais la plupart des  pays influents n’y figurent pas, dont l’Egypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui veulent éviter des rivalités trop directes sur la question.

 Au final, un élargissement pourrait accroître l’autorité et la légitimité du Conseil, mais compliquerait significativement la prise de décision en raison du droit de veto. Par conséquent, les pourparlers sur la réforme restent figés, achoppant sur la question d’accorder ou non le droit de veto à de nouveaux membres permanents. 

Impasse juridique

Pour Jean-Maurice Ripert, président de l’Association française des Nations Unies (AFNU) et ancien représentant de la France auprès de l’ONU, le processus de réforme du droit de veto est entravé par sa complexité juridique. 

Selon lui, « la suppression du droit de veto semble impossible, puisque pour y parvenir, il faudrait une réforme de la Charte, qui ne pourrait être adoptée qu’avec l’accord des membres permanents. Il est clair que, a minima, Washington, Moscou et Pékin s’y opposeront ».

Cependant, une alternative plus réalisable serait de restreindre l’usage du droit de veto. La France et le Royaume-Uni avaient suggéré que les membres permanents s’engagent à ne pas utiliser le veto en cas de crise humanitaire grave, mais cette proposition n’a pas été acceptée par les autres membres permanents.

Bien qu’aucune de ces volontés n’ait abouti, le 26 avril 2022, l’Assemblée générale a réussi à exiger des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qu’ils justifient leur utilisation du veto

Qui veut sauver l’ONU ?

«Il faut être conscient du fait que les trois superpuissances sont aujourd’hui peu enclines à « sauver » les Nations Unies, poursuit Jean-Maurice Ripert. Les Etats-Unis sont de nouveau dans une position de repli et entendent choisir au sein des actions de l’ONU les seules qui leur conviennent et les seuls fonds et programmes qu’ils jugent « acceptables ».

« La Chine de son côté a proclamé une double rupture dans l’ordre international en refusant dorénavant tout caractère universel aux droits humains, privant ainsi le Conseil de possibilité d’agir en cas de conflit aigu, et en prétendant offrir, via son initiative « Nouvelle route de la soie », un modèle alternatif de régulation, fondé sur le « multi-bilatéralisme », dont le centre doit être Pékin. Quant à la Russie, elle  s’est mise de fait au ban de l’ONU par de multiples agressions militaires en violation de la Charte et du droit international ».

« Une ONU affaiblie, mais que ces pays contrôlent de fait, leur convient », analyse M. Ripert.

Le Secrétaire général a également souhaité la réforme des institutions dites de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) qui selon lui sont dysfonctionnelles. 

Pour Jean-Maurice Ripert, il faudrait également réformer toutes les institutions qui sont contestées dans leur fonctionnement et donc leur légitimité, comme le Conseil des droits de l’homme ou par leur manque de réalisme par rapport aux problèmes du monde « réel », tel que le Conseil économique et social (ECOSOC).

« Toutes les institutions mériteraient par ailleurs une meilleure adaptation au monde moderne, en intégrant réellement dans leurs processus de décision tous les acteurs de la « société civile » : médias, associations, ONG, entreprises, fondations, collectivités territoriales, etc », poursuit-il. « C’est à ce prix que les opinions publiques resteront fidèles à  l’ONU et exerceront sur leurs autorités nationales les pressions indispensables pour obtenir des réformes ».

 

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