Johann Soufi : un regard de Gaza

Le son des sirènes, les panaches de fumée, les décombres d’immeubles… Les images de Gaza ont fait le tour du monde entre le 10 et le 21 mai 2021. Ce territoire, connu pour être l’un des principaux théâtres du conflit israélo-palestinien, ne se résume pourtant pas aux crises qu’il traverse. La vie quotidienne des habitants est rythmée par d’autres images moins répandues de rues animées, de commerces, et de bâtiments où sont inscrits les lettres « UNRWA ». Cet acronyme est celui de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés Palestiniens. Elle apporte une aide humanitaire aux personnes vivant à Gaza et en-dehors.

« Quand vous allez à Gaza, les écoles, les hôpitaux, tout est UNRWA » vous dirait dans un grand geste du bras et un sourire Johann Soufi, chef du bureau juridique de cette agence. Avec ce nouvel article des « Visages de l’ONU », nous allons vous présenter son parcours ainsi que son rôle et celui de UNRWA à Gaza.

Johan Soufi dans les rues de Gaza avec un immeuble détruit en arrière plan
Rues de Gaza. © Johann Soufi

Un parcours d’aventures professionnelles

Originaire de la banlieue parisienne, Johann Soufi fait des études de droit à l’université de Cergy-Pontoise avant de faire un Master en droit international et l’école du Barreau. C’est la preuve que « pas besoin d’avoir fait Harvard ou Yale pour travailler aux Nations Unies » affirme-t-il. Un stage au Centre régional d’information des Nations Unies (UNRIC) à Bruxelles en 2006 marque sa première rencontre avec l’ONU. Son poste suivant dans un cabinet d’avocats pénalistes en région parisienne n’a pas effacé « cette envie de voyager, de découvrir le monde » qui l’anime.

Curiosité et persévérance face aux multiples rejets de candidatures finissent par porter leurs fruits. Les expériences s’enchaînent alors entre le Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha, le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone et celui pour le Liban à La Haye, des missions d’enquêtes au Timor Oriental, en Côte d’Ivoire, en Centrafrique ou encore au Mali. Attaché aux enjeux du travail de terrain pour les populations locales, il saisit l’opportunité de partir à Gaza avec une nouvelle candidature pour se confronter à une mission aussi difficile que passionnante.

Mission de terrain dans l’enquête pour crimes de guerre et contre l’humanité au Timor Oriental. © Johann Soufi

Les Nations Unies au cœur de la vie à Gaza

L’UNRWA, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés Palestiniens, est « une très grosse machine » indique Johann Soufi. Les 1,6 millions de « bénéficiaires » de ses services à Gaza sont « des enfants qui vont dans nos écoles, des patients qui sont soignés dans nos hôpitaux, des familles qui reçoivent les denrées alimentaires », précise-t-il. La mission de l’agence depuis 1950 est de « faire en sorte que la situation humanitaire ne soit pas pire qu’elle ne l’est déjà » admet-il. Comme « c’est UNRWA qui finance, qui soutient, qui aide » dans beaucoup de domaines, sauf la sécurité et la justice, l’agence est un acteur essentiel pour la survie de la population locale.

Au-delà de l’aide humanitaire qu’elle fournit, l’UNRWA est avant tout le « premier employeur en matière d’éducation, en matière de santé et le premier fournisseur de denrées alimentaires ». Dans un territoire lourdement atteint par le chômage, sur les 13 000 employés de l’agence seulement 12 sont des internationaux et tous les autres sont Palestiniens. Les personnels de l’UNRWA sont donc à la fois ceux qui aident et ceux qui sont aidés. Ce sont « les mêmes familles, les mêmes gens ». En tant que responsable des affaires juridiques, Johann Soufi fait face aux défis juridiques qui entravent le fonctionnement de l’organisation. Son champ d’actions s’étend de la supervision d’enquêtes internes, à la réalisation de contrats, en passant par le déblocage de marchandises à la frontière.

Equipe du bureau de Johann Soufi à Gaza
Membres du bureau des affaires juridiques de l’UNRWA à Gaza. © Johann Soufi

En dépit de la pauvreté les habitants de Gaza ont « les mêmes interrogations, les mêmes projets, la même vie » qu’ailleurs. Les Gazaouïs regardent les chaines de télévision internationales et les mêmes services de vidéo à la demande qu’en Europe. Ils vont aussi au restaurant ou au bord de la plage. Parlant anglais et, pour certains, l’hébreu, les Palestiniens se tiennent informés de la politique internationale dont ils dépendent, connaissant « mieux le monde, que le monde ne connait Gaza » remarque Johann Soufi.

Cour d'école à Gaza
Ecole de l’UNRWA à Gaza. © Johann Soufi

Travailler pour l’ONU entre passion, flexibilité et insécurité

L’ONU offre des opportunités variées qui sont autant d’aventures humaines mais au prix d’une insécurité constante. Un grand nombre de contrats de travail sont limités à quelques mois, ce qui « n’intéresse pas forcément les gens se projetant dans une carrière stable » souligne Johann Soufi. Il est courant pour les employés de l’ONU après une mission de se retrouver sans emploi pendant des mois, un an ou plus. Le chômage signifie l’absence d’allocations, de retraite, ou d’assurance maladie bien que le salaire en tant que fonctionnaire international soit intéressant. Faire preuve de flexibilité pour voyager régulièrement comme Johann Soufi est une solution mais il avertit sur les tensions pouvant se créer entre la vie professionnelle et la vie privée. Malgré les frustrations, travailler à l’ONU « est passionnant », insiste-t-il car il est possible de « voir l’impact de son travail (…) sur la vie quotidienne des gens ». Quand une enquête est terminée, que de la nourriture est distribuée ou quand un enfant est soigné, « c’est parfois une question de vie ou de mort » ajoute-t-il.

Si vous rêvez d’intégrer les Nations Unies, Johann Soufi vous conseille « d’enlever les barrières que vous avez en vous-même, d’essayer, et de ne pas abandonner » peu importe la quantité de refus à subir. Face à l’insécurité d’une telle vie professionnelle, il est essentiel de « savoir pourquoi on veut travailler à l’ONU » afin de garder son cap et une boussole dans les moments de doutes, que ce soit pour changer le monde ou faire des voyages. La capacité de se remettre en question est fondamentale pour s’améliorer tout en gardant confiance en soi. Tous ces efforts sont finalement récompensés par ce moment « tellement inconfortable, et en même temps plein d’espoir, plein d’excitation » de l’arrivée dans un nouveau pays, où un travail aura un impact direct sur la vie des habitants, ou simplement la survie d’un enfant.

Johann Soufi devant une voiture des Nations Unies au Mali
Mission au Mali. © Johann Soufi

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