Les femmes de plus en plus exposées à la pauvreté dans l’UE – Expert de l’ONU

Plus touchées que les hommes par la pauvreté, les femmes ont vu encore leur situation s’aggraver depuis le début de la pandémie de COVID-19. Pour Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, une des solutions est de garantir aux femmes une plus grande indépendance économique.

Cela passe entre autres par l’égalité salariale, l’aide à la garde des enfants et le partage des tâches domestiques, estime cet expert qui vient de rendre son rapport après une récente mission de deux mois dans l’Union européenne.

Comment expliquez-vous que les femmes soient plus touchées par la pauvreté que les hommes ?

Les femmes sont plus à risque de pauvreté que les hommes (22,3 % contre 20,4 %). Ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est que les femmes âgées, en particulier lorsqu’elles atteignent l’âge de la retraite, voient l’écart de pension avec leurs homologues masculins atteindre 37,2 % en moyenne à travers l’UE.

Il existe toujours une division des rôles au sein du foyer qui rend plus difficile la recherche d’un emploi à temps plein et de longue durée pour les femmes. Les carrières de ces dernières sont souvent interrompues pour s’occuper des enfants, et beaucoup plus de femmes travaillent à temps partiel, ce qui fait que le montant des pensions qu’elles perçoivent est bien inférieur.

La majorité des ménages monoparentaux sont dirigés par des femmes, et pas moins de 40 % de ces familles sont à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. C’est un pourcentage très considérable. Les systèmes de protection sociale n’ont pas été suffisamment réactifs face à l’évolution des structures familiales et les femmes sont disproportionnellement affectées par la situation.

Quel a été l’impact de la crise de la COVID-19 sur les femmes ?

Malheureusement, j’ai bien peur que la pandémie s’accompagne d’un grand pas en arrière en termes d’égalité des genres. La crise mènera probablement beaucoup plus de femmes que d’hommes à renoncer à un emploi à temps plein. Par ailleurs, la fermeture des écoles a augmenté le fardeau qui incombe aux femmes.

Toutefois, nous avons également observé une prise de conscience de la sous-estimation des fonctions essentielles qu’elles remplissent dans le secteur des soins de santé et dans l’économie des soins. J’ai l’espoir que ces travailleurs essentiels, dont la majorité sont des femmes, seront mieux payés et auront de meilleurs contrats de travail à l’avenir.

Comment combattre la pauvreté pour tous ?

La crise de la COVID-19, en dépit de toute la souffrance humaine qu’elle inflige, est une opportunité de rouvrir le débat sur le genre de société que nous voulons.

Nous devons construire une société dotée d’une économie inclusive qui donne à chaque individu une chance équitable de gagner dignement sa vie. Cela implique de combattre la discrimination contre les personnes en situation de pauvreté, de créer des offres d’emploi pour des personnes peu qualifiées, d’investir dans l’éducation et la formation tout au long de la vie pour garantir à tous une chance d’être compétitif. Cela va bien au-delà de l’idée habituelle selon laquelle il suffirait de créer de la richesse et de la redistribuer ensuite.

Pouvez-vous partager les témoignages des femmes avec lesquelles vous avez parlé au cours de votre mission ?

Derrière les chiffres se cachent de vraies personnes qui ont des choses absolument extraordinaires à partager. J’ai rencontré une femme qui recevait des colis alimentaires mais n’avait pas de cuisine où préparer la nourriture qu’elle avait reçue. J’ai rencontré des femmes qui ne pouvaient fuir la violence domestique par manque de places dans les refuges surpeuplés de fait de l’augmentation des cas de violences domestiques.

Que faut-il mettre en place pour améliorer la situation des femmes dans l’UE ?

En fin de compte, cela requiert une nouvelle distribution des rôles au sein des ménages, sans quoi il sera très difficile de surmonter les écarts existants.

Les Etats membres de l’UE devraient investir davantage dans l’éducation et l’accueil de la petite enfance afin de permettre aux femmes de prendre un emploi à temps plein. Cela leur donnerait une plus grande indépendance économique, leur permettant de faire leurs propres choix de vie.

Une plus grande transparence des politiques salariales des entreprises est également nécessaire pour assurer le respect du principe de l’égalité salariale pour un travail de valeur égale. Nous devons surmonter les 14 % d’écart de rémunération entre les hommes et les femmes sans plus tarder.

Qu’est-ce qui vous motive à faire ce travail ?

J’ai mené une existence privilégiée et je me sens redevable en conséquence. Je pense donc qu’il est tout naturel de donner une voix à celles et ceux qui ont été réduits au silence jusqu’à aujourd’hui.

Les personnes en situation de pauvreté sont traitées comme un problème à résoudre et non en tant qu’acteurs qui ont des expériences dont nous pouvons tirer des leçons. Je considère que mon rôle est de donner une voix à ces personnes et, par conséquent, d’établir des politiques largement mieux informées grâce à leur vécu. Je pense que c’est la meilleure manière d’améliorer notre capacité à combattre la pauvreté et les inégalités.

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