Mattia Polvanesi

Mattia Polvanesi

 

Après avoir effectué trois années en tant que Jeune expert associé (JEA) à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à Gaza, Mattia Polvanesi est sur le point de commencer une nouvelle expérience au Mozambique avec le Programme alimentaire mondial (PAM).

read on issuu  PDF Icon Blue

Relations internationales, études européennes, administration, gestion des conflits sont autant de sujets que Mattia a étudié au cours de sa scolarité. Le jeune homme s’est en effet dirigé vers une Licence en Relations internationales à l’Université de Florence en Italie pour ensuite se spécialiser en Politiques européennes en termes de gestion des conflits lors de son entrée en Master. Son intérêt pour les politiques européennes l’a amené à déménager à Bruxelles, « capitale de l’Union européenne ». « J’ai commencé par effectuer un stage rémunéré au Service européen d’action extérieure (SEAE) dans l’unité qui s’occupe de la gestion des conflits et des missions civiles de l’UE dans les théâtres de conflits. » Après ce stage de six mois, Mattia s’est dirigé vers un travail de consultant en politiques européennes. « Le travail de consultant était très varié et concernait plusieurs politiques de l’UE, notamment la politique de sécurité et défense et la politique régionale et de cohésion territoriale ». Le jeune homme a ensuite travaillé au sein de l’ONG Saferworld basée à Bruxelles. « Il s’agissait de nouveau de travailler sur les politiques européennes d’action extérieure mais dans le cadre d’un travail avec les communautés locales pour faciliter le dialogue et prévenir les conflits, surtout en Afrique et en Asie. »

« Ce sont mes expériences de travail passées qui m’ont poussées vers mon travail de Jeune expert associé à Gaza. »

Mattia est sorti enrichi de ses trois expériences dans les bureaux mais aussi prêt à postuler pour un premier poste sur le terrain. « Ce sont mes expériences de travail passées qui m’ont poussées vers mon travail de Jeune expert associé à Gaza. Au cours de mes emplois à Bruxelles, je voyais mes supérieurs voyager, chose que je ne pouvais pas faire en raison de mon statut de junior. J’ai donc par la suite cherché des opportunités professionnelles me permettant de me rendre sur le terrain. » Les offres de Jeunes experts associés répondaient à ce critère primordial pour Mattia : « L’expérience JEA était une opportunité extraordinaire pour travailler sur le terrain et sur des sujets auxquels je m’étais intéressé auparavant. »

Après avoir recherché et identifié les JEA belges, Mattia s’est décidé à postuler pour un poste qui l’intéressait particulièrement à Gaza. Après l’entretien oral, le jeune homme nous explique qu’il avait peu d’espoirs : « Je ne parlais pas arabe, je suivais le sujet de loin et je n’avais pas d’expérience sur le terrain au Moyen Orient. » Deux mois après l’entretien, Mattia apprend pourtant qu’il est sélectionné pour être Jeune expert associé à Gaza : « Je pense que c’était une combinaison d’un très fort intérêt de ma part montré pendant l’entretien, mais aussi d’un peu de chance au niveau de la sélection. »

« Je ne pensais pas avoir mes chances et au final j’ai été sélectionné pour le programme Jeune expert associé »

Mattia aura passé trois ans en tant que JEA pour UNRWA à Gaza : « Mon rôle était de soutenir les programmes d’UNRWA. Je faisais de l’analyse du contexte socio-économique à Gaza et en Palestine et j’essayais par la suite d’informer la direction sur place ainsi que les programmes menés par l’Agence, comme par exemple ceux d’assistance alimentaire et de création d’emploi. » A côté de ce travail d’analyse, Mattia avait une autre fonction de coordination et de mise en relation avec d’autres partenaires tels que les organisations non-gouvernementales, internationales et locales, ainsi que les autres agences des Nations Unies.

Ce travail de « bureau » était accompagné d’un véritable travail sur le terrain, au contact de la population locale. « Chaque fois qu’il y avait une occasion d’aller parler avec les bénéficiaires, je la prenais. » Mattia a tenu à nous faire partager un souvenir qui l’a marqué lors de ses visites aux bénéficiaires : « L’année dernière, nous avons distribué des paquets d’aide alimentaire en changeant certains des aliments. Nous avons introduit des éléments plus sains et nutritifs tels que les lentilles et pois chiches et nous avons diminué certains aliments tels que le sucre et la viande en conserve. Ces décisions étaient le résultat de l’analyse des valeurs nutritionnelles des produits distribués mais aussi d’un travail de groupe qui a demandé plusieurs échanges avec les bénéficiaires. »

UNRWA distribue à l’heure actuelle une aide alimentaire à près d’ 1 million de réfugiés palestiniens pour une population totale à Gaza d’1.8 millions d’habitants. L’échelle des opérations est donc très grande puisqu’il s’agit de distribuer une aide alimentaire à plus de 50% de la population de Gaza. Et, comme Mattia a tenu à le rappeler, ça n’a pas toujours été le cas. « Dans les années 2000, les bénéficiaires d’aide alimentaire n’étaient que 80 000. Il y a eu une croissance énorme des besoins humanitaires. Cela est dû aux conflits mais ce n’est qu’une partie du problème. La cause principale de la crise humanitaire à Gaza est la série de restrictions en termes de mouvements qu’Israël impose depuis le début des années 2000 et qui sont amplifiées par le blocus de Gaza en place depuis 2007. Ces mesures ont tué l’économie ici et détruit la capacité à produire des emplois. Par conséquent, les gens sont devenus pauvres et fortement dépendants de l’aide humanitaire. »

« A l’heure actuelle, 1 million de réfugiés à Gaza bénéficient de l’aide alimentaire. Ils n’étaient que 80 000 dans les années 2000. »

En arrivant à Gaza, Mattia a été surpris par les conditions de travail atypiques liées à son lieu d’affectation : « En termes de rythme horaire et volume de travail c’était assez lourd. Tous les deux mois nous avions donc droit à une semaine de congé, ce qu’on appelle rest & recuperation. J’ai été surpris quand je suis arrivé la première fois car je ne pensais pas en avoir besoin mais au final c’était totalement légitime. » Mattia profitait de cette semaine de congé pour rentrer dans sa ville d’origine, Florence, et ainsi retrouver sa famille et ses amis. Le jeune homme considérait ces pauses comme très importantes dans le cadre de son travail : « J’étais profondément ancré dans le contexte de Gaza, positivement et négativement. Il était pour cela important de rentrer et voir qu’il y avait une autre réalité qui m’appartenait et qui n’était pas Gaza. C’était un contexte qui demandait beaucoup, on donnait beaucoup, mais on avait besoin de couper de temps en temps pour pouvoir être à 100% quand on rentrait. » D’autant plus que les déplacements à l’intérieur de Gaza étaient très limités pour Mattia et ses collègues : ils ne pouvaient pas marcher dans les rues et voyageaient toujours en voiture avec conducteur.

Ce que Mattia trouve le plus gratifiant dans son travail, c’est l’impact direct que celui-ci a eu sur la population de Gaza : « J’avais l’impression d’être véritablement utile, que ce que je faisais menait à des changements qui avaient des conséquences très importantes pour les bénéficiaires. De plus, la grande échelle des opérations de l’UNRWA est quelque chose de très stimulant que je n’avais jamais expérimenté dans mes emplois précédents. Cela me poussait à toujours me donner à 100%. » Mattia s’est également confié sur les aspects frustrants de son travail humanitaire : « Vu l’échelle de la crise humanitaire à Gaza et nos moyens limités on ne pouvait faire que très peu au niveau développement sur le long terme. On pouvait juste essayer d’empêcher que les choses n’empirent. On avait des écoles, des centres de santé mais on ne pouvait pas vraiment améliorer la situation, cela était très frustrant. »

Mattia a achevé ses trois années de JEA à Gaza en mai 2017. Il est sur le point de commencer une nouvelle expérience au Mozambique avec le Programme alimentaire mondial (PAM) en rapport avec les Objectifs de développement durable et notamment l’Objectif 2 « Faim zéro » : « Je trouve très intéressant de travailler sur la sécurité alimentaire qui répond aux besoins immédiats de la population mais s’inscrit également dans la thématique du développement durable, du soutien à la production locale. »

« Pour travailler à l’ONU si l’on est jeune, le chemin le plus simple est d’aller faire une mission sur le terrain. »

Lorsque nous avons demandé à Mattia quels étaient les conseils importants à suivre pour les jeunes aspirants à une carrière aux Nations Unies, celui-ci nous a expliqué qu’il ne fallait pas hésiter à commencer par le terrain : « Pour travailler à l’ONU si l’on est jeune, le chemin le plus simple est d’aller faire une mission sur le terrain. C’est là où il y a le plus de besoins et donc le plus d’offres de travail qui vous ouvriront des portes au niveau professionnel dans le futur. » Prenant en exemple son expérience personnelle, Mattia nous explique qu’après avoir voulu travailler à Bruxelles en gestion des conflits, il a ensuite réalisé que c’est sur le terrain qu’il pourrait réellement se spécialiser et faire des choses utiles et intéressantes à la fois.