Violences sexuelles : le mal qui persiste

Elles s’appellent Charlotte, Emma et Marie, elles sont toutes trois étudiantes et ont un point commun : elles ont été victimes de viols ou d’agressions sexuelles. Comme elles, une étudiante sur vingt a déjà été victime de viol et une sur dix d’agression sexuelle[1].

Alors que commencent aujourd’hui, sous la houlette de ONU Femmes, 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faites aux femmes, du 25 novembre au 10 décembre, UNRIC a recueilli ces trois témoignages de jeunes femmes dont les noms ont été changés pour respecter leur demande d’anonymat. Rappelons que chaque année en France, 93 0000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viol[2].

 L’agresseur est rarement un inconnu croisé dans une rue sombre. En effet 9 victimes sur 10 connaissaient leur agresseur. C’est le cas d’Emma violée à plusieurs reprises à 15 ans par le meilleur ami de sa petite amie, puis à 18 ans par un élève de son école. Marie, elle, a été violée à l’école primaire à l’âge de 7 ans par un élève de 14 ans. Charlotte a subi des attouchements et des violences physiques à répétition durant son enfance par sa mère.

Des années de souffrance et de silence

Les conséquences physiques et psychologiques des violences sexuelles peuvent durer des années après les faits. A la suite de son viol, Marie ne pouvait plus rien manger et a dû être hospitalisée. Ce traumatisme a déclenché des comportements d’automutilation et des problèmes d’anorexie contre lesquels elle se bat encore aujourd’hui, 13 ans après.

Des années plus tard, Charlotte et Emma sont encore régulièrement sujettes à des crises d’angoisse et à des cauchemars, cette dernière consulte une psychologue pour se débarrasser de ses mauvais rêves.

Ces violences ont également des conséquences sur la future vie sexuelle des victimes, c’est le cas de Charlotte, 21 ans, pour qui « il y a quelque chose qui bloque » plus de dix ans après les agressions sexuelles qu’elle a subies.

Honte, culpabilité, peur de représailles : pour les victimes il est très difficile de parler des violences qu’elles ont vécues, notamment à leurs proches. Emma a mis un an et demi à parler à son ex-petite amie puis à sa mère du viol qu’elle a subi à 15 ans. Marie a parlé de son viol à sa mère neuf ans après, forcée par ses médecins, et en a parlé à son père deux ans plus tard sur les conseils de sa psychologue. « Je me sentais responsable, je me disais que je l’aimais bien ce garçon et que j’y avais pris du plaisir ».

De la douleur mais peu de plaintes

Moins de 10 % des victimes de violences sexuelles portent plainte selon les estimations du gouvernement français. En cause notamment la peur de ne pas être entendue et la lenteur de la justice. Pour Charlotte, victime d’attouchements incestueux, il est hors de question de porter plainte, par peur des « répercussions sur l’honneur de la famille » et sur son avenir. Emma hésite à porter plainte pour le deuxième viol qu’elle a subi il y a deux ans car les policiers avaient (illégalement) refusé de prendre sa plainte pour son premier viol. Marie hésite également à porter plainte, une avocate lui a indiqué que son agresseur, lui aussi mineur au moment des faits, n’aurait sûrement qu’une évaluation psychologique et pas de peine.

Les victimes sont également confrontées à ce qu’on appelle la culture du viol, c’est à dire faire peser sur la victime la responsabilité du crime. Emma a vécu de plein fouet ce phénomène lorsqu’elle s’est confiée à une psychologue qui lui a répondu que c’était de sa faute, que l’agresseur était amoureux d’elle et qu’il fallait qu’elle se remette en question. Ces paroles agacent encore aujourd’hui l’étudiante : « J’aurais aimé qu’on me dise que ce n’est pas de ma faute, et que j’ai le droit d’être triste, je ne me sentais pas du tout légitime ».

Le rôle de l’entourage

Le soutien et la réaction des proches à la révélation des violences subies jouent un grand rôle dans le processus de guérison des victimes. Certaines réactions peuvent être nuisibles comme dire à la victime d’arrêter de penser ou de parler de l’événement, que la vie continue.

C’est la réaction qu’ont eu les proches de Charlotte, ce qu’elle déplore : « J’aurais aimé plus de soutien et être crue, qu’on n’esquive pas le sujet, quand je l’ai dit à ma sœur, j’ai eu l’impression que c’était rentré par une oreille et sorti par l’autre ».

A l’inverse, certaines réactions peuvent aider la victime : lui dire que ce n’est pas de sa faute, écouter et accepter le récit de l’événement sans porter de jugement. Pour Marie se confier à sa meilleure amie, étudiante en psychologie, l’a beaucoup aidé : « elle m’a rassurée sur mon amnésie traumatique, m’a beaucoup déculpabilisée, et m’a apporté beaucoup de soutien ».

L’éducation, une des solutions

S’il n’y a pas de solution miracle pour aider les victimes et prévenir ces violences, Marie, qui n’avait pu déposer plainte, souligne la nécessité absolue de former les policiers aux violences faites aux femmes.

Pour Emma, le dispositif mis en place dans son école, une plateforme de signalement, est inadapté et n’inspire pas confiance car géré par un homme, un professeur, sans aucune formation aux violences sexuelles.

L’étudiante évoque aussi le besoin d’une présence renforcée d’une psychologue dans son établissement et de séances d’information auprès des élèves en début d’année scolaire sur le consentement. Pour elle l’éducation est la solution : « souvent beaucoup de gens ne savent même pas ce qu’est un viol ». La jeune femme se rappelle la pauvreté des cours d’éducation sexuelle qu’elle a reçus au collège sans aucune mention du consentement ou du sexisme. Selon Emma c’est en réalité le tabou de la sexualité qu’il faut lever pour pouvoir prévenir et lutter efficacement contre ces violences.

Si vous avez besoin d’aide, ne restez pas seule, vous pouvez contacter :

-Le numéro national d’écoute, d’information et d’orientation (France) : 3919 Violences Femmes Info

-La plateforme de signalement en ligne

-Des associations spécialisées

[1] Etude de l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’Enseignement supérieur.

[2] Source : Ministère de l’Intérieur

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