ActualitésBorgen : les autochtones du Groenland stars inattendues de Netflix

Borgen : les autochtones du Groenland stars inattendues de Netflix

La quatrième saison de la célèbre série danoise Borgen, a contribué à faire connaitre les enjeux liés à l’avenir des peuples autochtones du Groenland. À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones, UNRIC a pu s’entretenir avec Svend Hardenberg, inuit du Groendland, homme politique devenu star de la télévision. 

Les Inuits du Groenland avec les Sami de Finlande, Norvège et Suède sont les peuples autochtones des pays nordiques. 

Un haut fonctionnaire devenu acteur 

Svend Hardenberg, 53 ans, a eu une carrière remarquable en tant que politicien, haut fonctionnaire et homme d’affaires. Jamais il n’aurait imaginé se retrouver dans un des rôles principaux de la célèbre série danoise Borgen

Alors qu’il préparait la quatrième saison, dont le sujet est l’exploitation de pétrôle au Groenland, ils ont contacté Svend Hardenberg pour des conseils. Son rôle était de leur faire découvrir le pays, la culture et la situation politique locale, ainsi que les lieux de tournage. Mais Svend allait faire bien plus que juste conseiller.

« J’ai été extrêmement surpris lorsqu’ils m’ont proposé d’auditionner pour un rôle, je n’avais jamais joué auparavant », raconte Svend Hardenberg. Il incarne un rôle clé, celui de Hans Eliassen, ministre groenlandais des Affaires étrangères et des ressources naturelles.

 

Svend Hardenberg, acteur de la série Borgen
Svend Hardenberg, politicien, indépendantiste inuit, incarne un des personnages principaux de la 4ème saison de Borgen.

Au-delà des clichés

En plus de sa carrière d’homme d’affaires, M. Hardenberg a été le chef de cabinet de la Première ministre Alica Hammond, d’où sa connaissance approfondie de la politique groenlandaise. 

Avec sa femme Julie, elle-même artiste, ils ont alors aidé les auteurs de Borgen à comprendre le contexte politique et à dépasser les clichés sur les groenlandais.

« Ils avaient déjà beaucoup avancé dans leur écriture du scénario mais seulement depuis le Danemark. Nous leur avons expliqué les vrais problèmes entre le Groenland et le Danemark et ils ont alors réécrit plusieurs de leurs personnages. »

Une autre inuite, la romancière Niviaq Korneliussen a participé à la traduction des dialogues en groenlandais.

Cette collaboration de la production avec les peuples autochtones a donné selon Svend Hardenberg la crédibilité dont jouit cette série. Le temps passé par les auteurs au Groenland leur a permis de « comprendre réellement le fonctionnement du pays et les problèmes qui vont avec. Les articles dans la presse apportent des connaissances de base, nous, nous voulions leur faire découvrir le vrai Groenland.» 

 « Le plus grand drame politique » 

Le personnage principal, Birgitte Nyborg, devenue ministre des Affaires étrangères du Danemark, doit faire face simultanément à des crises géopolitiques et de politique intérieure, qui touchent aux relations entre les États-Unis, la Chine et la Russie, à la crise climatique, à l’environnement, à l’énergie et aux questions relatives aux peuples autochtones, pour n’en citer que quelques-unes.

À la surprise de beaucoup, Borgen a connu un grand succès lors de sa première diffusion à la télévision publique danoise, en 2010. Le titre, Borgen, fait référence à Christiansborg, le siège du parlement danois, connu pour sa politique de consensus civilisé et pacifique.

La BBC a qualifié Borgen du  « plus grand drame politique de tous les temps » dont les intrigues et les personnages évoluent sur  quatre saisons. “Les éloges fusent dès lors qu’on évoque le souvenir de Borgen, une femme au pouvoir, diffusée en France sur Arte il y a déjà une dizaine d’années. Qualifiée un peu vite à l’époque de meilleure série au monde, elle eut au moins l’intérêt de faire connaître en dehors des frontières du royaume la grande qualité des séries danoises”, a écrit le Monde.

Pétrole et climat

L’intrigue de la quatrième saison tourne autour du thème du forage pétrolier dans les eaux groenlandaises.

En 2009, le Groenland est officiellement devenu un territoire autonome du Royaume du Danemark. Les Groenlandais ont été reconnus comme un peuple distinct selon le droit international, ce qui leur donne le droit supplémentaire de faire sécession du Danemark si une majorité du peuple le décide.

Pour l’instant, le Groenland dépend des aides financières du Danemark, qui s’élèvent à 600 millions de dollars par an, soit l’équivalent d’environ 20 % du PIB groenlandais. Si le contrôle total du gouvernement groenlandais sur les ressources naturelles du pays a été reconnu en 2009, une feuille de route a également été établie sur les modalités d’une éventuelle indépendance, lorsque le Groenland  ne dépendra plus de l’aide financière de Copenhague. 

Svend Hardenberg ne cache pas son engagement pour l’indépendance de son pays. « Il n’est pas dans l’intérêt du Danemark d’aider le Groenland à se développer car cela rapproche le pays de l’indépendance.»

Dans Borgen, la question épineuse pour le pouvoir danois et Groenlandais est detrancher entre l’indépendance offerte par l’exploitation possible du pétrole et les dangers et les répercussions sur le climat de cette exploitation.

Borgen, une série très réaliste 

Pour Svend Hardenberg, qui incarne dans la série Hans Eliassen, ministre des Matières premières et de l’énergie du gouvernement autonome du Groenland, le scénario « est très réaliste. Borgen dépeint parfaitement les problèmes ainsi que la lutte de pouvoir entre le Groenland et le Danemark. Cela arrive tous les jours, même si c’est dramatisé dans la série.»

Ainsi, un des personnages groenlandais de Borgen rappelle qu’il n’est pas juste que le Groenland soit tenu pour responsable de 200 siècles d’émissions de CO2 par les pays industrialisés. 

« Nombre d’entre nous sont d’accord. Il n’est pas juste de mettre un frein à notre développement parce que le développement d’autres pays a endommagé l’environnement et le climat. Ce point de vue est bien représenté dans Borgen », affirme Svend Hardenberg.

Le retour des anciennes coutumes 

La population inuite actuelle au Groenland a migré du Canada vers 1200. Ils ont partagé l’île avec des colons nordiques, principalement originaires d’Islande et de Norvège, pendant des siècles. Le Royaume du Danemark et de Norvège a annexé  Groenland en 1721, depuis 1953, il fait partie de la communauté du Royaume du Danemark.

Les missionnaires chrétiens ont combattu férocement les coutumes, les traditions et les croyances des Inuits. Ces dernières années, on a assisté à une renaissance considérable des anciennes coutumes, par exemple les tatouages du visage que l’on voit dans Borgen.

Depuis que le mouvement nationaliste groenlandais a pris de l’importance dans les années 60 et 70, des relations ont été établies avec d’autres Inuits au Canada, aux États-Unis et en Russie. Les Groenlandais sont également des membres actifs de l’Instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones.

Enlèvement et contraception forcée

Les exactions commises par le passé contre les Inuits sont toujours dans les mémoires et dans l’actualité. En mars 2022, le Danemark a ainsi versé des indemnités et présenté des excuses aux Inuits groenlandais qui avaient été enlevés à leur famille dans les années 50. 

Parallèlement, des dizaines de femmes se sont manifestées et ont raconté l’histoire de la contraception forcée dans les années 50, 60 et au début des années 70. Des milliers de jeunes filles ont été contraintes de se faire poser un stérilet, ou dispositif intra-utérin (DIU), à leur insu ou sans l’accord de leur parents. Certaines femmes ne l’ont découvert que bien plus tard, lorsqu’elles ont été examinées par des gynécologues.

Selon la télévision danoise, quelques 4 500 femmes ont été victimes de cette procédure.

L’objectif des autorités danoises était de s’attaquer au nombre d’enfants nés hors mariage au Groenland, étant considérés comme une charge de plus pour les contribuables. Hardenberg et de nombreux Groenlandais considèrent qu’il s’agit d’une attaque délibérée visant à réduire le nombre de Groenlandais et à assurer la domination danoise sur le Groenland. La population actuelle du Groenland est d’environ 57 000 habitants. Cependant, elle n’était que de 32 000 en 1960 et a depuis augmenté de plus de 70 %.

« Les conditions de vie s’amélioraient et, de toute évidence, la population augmentait », explique Svend Hardenberg. « Mais, de leur propre chef, ils ont décidé qu’il fallait gérer le taux de natalité du Groenland parce qu’ils ne voulaient pas avoir à supporter davantage de coûts, même si nous appartenons au Danemark. C’est une décision raciste. Ce sujet n’a fait surface que récemment, car de nombreuses filles avaient honte et n’avaient rien dit jusqu’à présent. Il semble que 46 % de toutes les femmes en âge de procréer aient vécu cela. C’est un problème majeur et extrêmement important.»

La Journée internationale des peuples autochtones est célébrée chaque année le 9 août. Cette année, l’accent est mis sur le rôle des femmes autochtones dans la préservation et la transmission des connaissances traditionnelles.

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