Israël-Gaza : rien ne justifie la terreur, ni la punition collective

« Si j’étais un juif d’Israël…» , « si j’étais un Palestinien de Gaza »… dans une tribune publiée le 13 octobre dans le New York Times, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, prend la mesure des colères réciproques et des violences qu’elles génèrent et appelle à sortir de cette impasse.

« L’ordre donné jeudi soir par les forces de défense israéliennes aux Palestiniens de Gaza d’évacuer leurs maisons dans les 24 heures était dangereux et profondément troublant. Toute demande d’évacuation massive dans un délai extrêmement court pourrait avoir des conséquences humanitaires dévastatrices.

L’ordre d’évacuation concerne environ 1,1 million de personnes. Il s’applique à un territoire déjà assiégé, soumis à des bombardements aériens, et privé de carburant, d’électricité, d’eau et de nourriture. Il s’applique à un territoire dont les routes et les infrastructures ont été gravement endommagées au cours de la semaine écoulée, ce qui rend l’évacuation pratiquement impossible.

Cet ordre s’applique aux membres du personnel des Nations Unies et à plus de 200 000 personnes réfugiées dans des installations de l’ONU, notamment des écoles, des centres de santé et des cliniques. Il en va de même pour des centaines de milliers d’enfants : près de la moitié de la population de Gaza a moins de 18 ans.

En tant que Secrétaire général des Nations Unies, j’appelle les autorités israéliennes à reconsidérer leur position.

Nous nous sommes approchés d’un moment d’escalade calamiteuse et nous nous trouvons à un carrefour critique. Il est impératif que toutes les parties – et ceux qui les influencent – fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter de nouvelles violences ou un débordement du conflit en Cisjordanie et dans l’ensemble de la région.

Nous devons de toute urgence trouver un moyen de sortir de cette impasse désastreuse avant que d’autres vies ne soient perdues.

Besoin d’un accès humanitaire rapide

Il existe plusieurs priorités essentielles sur lesquelles il convient de se concentrer dès à présent afin de sortir le monde de ce gouffre. Les Nations Unies et nos partenaires ont besoin d’un accès humanitaire rapide et sans entrave dans toute la bande de Gaza. L’aide humanitaire, y compris le carburant, la nourriture et l’eau, doit être autorisée à entrer.

Tous les otages de Gaza doivent être libérés. Les civils ne doivent pas être utilisés comme boucliers humains.

Le droit humanitaire international, y compris les conventions de Genève, doit être respecté et appliqué. Les civils des deux camps doivent être protégés en permanence. Les hôpitaux, les écoles, les cliniques et les locaux des Nations Unies ne doivent jamais être pris pour cible. Je pleure mes collègues de Gaza qui ont déjà perdu la vie la semaine dernière. Pourtant, le personnel des Nations Unies travaille sans relâche pour soutenir la population de Gaza. Nous continuerons à le faire.

Discours de haine

Je suis en contact permanent avec les dirigeants de la région. Il est clair que les bouleversements en cours au Moyen-Orient polarisent les communautés du monde entier, creusent des fossés et propagent et amplifient la haine. Si la vérité est la première victime de la guerre, la raison n’est pas loin derrière.

Je suis horrifié d’entendre le langage du génocide entrer dans le discours public. Les gens perdent de vue l’humanité de chacun. La brutalité et la violence ne doivent pas occulter une vérité fondamentale : nous sommes tous le produit de nos réalités vécues et de notre histoire collective.

Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset l’a exprimé ainsi : « Yo soy yo y mi circunstancia » – « Je suis moi-même et mes circonstances ». Et parfois, ces circonstances sont insupportables.

Si j’étais juif d’Israël, si j’étais Palestinien…

Lorsque je me mets dans la peau d’un juif israélien, je ressens les horreurs récentes dans le contexte de deux millénaires de discrimination, d’expulsion, d’exil et d’extermination, qui ont conduit à l’Holocauste. Au XVe siècle, mon propre pays, le Portugal, a expulsé ou converti de force sa communauté juive qui, après une période de discrimination, a été contrainte de partir. En tant que juif israélien, j’aurais douloureusement conscience que certains dans notre voisinage ne reconnaissent pas le droit à l’existence d’Israël.

Et si aujourd’hui, en tant que juif israélien, je vois des jeunes massacrés lors d’un concert, des grands-mères abattues chez elles de sang-froid et des dizaines de civils, y compris des enfants, brutalement enlevés et tenus en joue, il est tout à fait naturel que je ressente une énorme douleur, de l’insécurité et, oui, une fureur aveugle.

Ensuite, j’essaie d’envisager les circonstances de l’autre côté du fossé : si j’étais un Palestinien vivant à Gaza. Ma communauté est marginalisée et oubliée depuis des générations. Mes grands-parents ont peut-être été contraints de quitter leurs villages et leurs maisons. Si j’ai de la chance, mes enfants ont déjà survécu à plusieurs guerres qui ont rasé leurs quartiers et tué leurs amis.

En tant que Palestinien, je n’ai nulle part où aller et aucune solution politique en vue. Je vois le processus de paix essentiellement ignoré par la communauté internationale, avec toujours plus de colonies, toujours plus d’expulsions et une occupation sans fin. Il est tout à fait naturel que je ressente un énorme sentiment de douleur, d’insécurité et, une fois de plus, une fureur aveugle.

Rien ne justifie la terreur, rien ne justifie la punition collective

Il est clair que les griefs ressentis par le peuple palestinien ne justifient pas la terreur qui s’est déchaînée contre les civils en Israël. Je condamne une fois de plus sans réserve les attaques odieuses du Hamas et d’autres groupes qui ont semé la terreur en Israël.

Et il est clair que les actes horribles commis par le Hamas ne justifient pas que l’on réponde par une punition collective du peuple palestinien.

Mais toute solution à cette tragique épreuve de mort et de destruction, qui dure depuis des décennies, passe par la reconnaissance pleine et entière de la situation des Israéliens et des Palestiniens, de leurs réalités et de leurs points de vue.

Nous ne pouvons ignorer le pouvoir et l’attraction de la mémoire collective, les circonstances qui façonnent et définissent notre identité et notre essence même.

Israël doit voir ses besoins légitimes de sécurité se concrétiser, et les Palestiniens doivent voir se réaliser une perspective claire de création de leur propre État, conformément aux résolutions des Nations Unies, au droit international et aux accords antérieurs. Si la communauté internationale croit vraiment en ces deux objectifs, nous devons trouver un moyen de travailler ensemble pour trouver des solutions réelles et durables, des solutions fondées sur notre humanité commune et qui reconnaissent la nécessité pour les gens de vivre ensemble, en dépit de l’histoire et des circonstances qui les séparent.

La citation d’Ortega y Gasset conclut : « Y si no la salvo a ella, no me salvo yo » (« Si je ne sauve pas ma situation, je ne peux pas me sauver moi-même »).

Il faut mettre fin à ce cycle horrible de violence et d’effusion de sang qui ne cesse de s’intensifier. Il est clair que les deux parties à ce conflit ne peuvent parvenir à une solution sans une action concertée et un soutien fort de notre part, la communauté internationale. C’est le seul moyen de préserver toute chance de sécurité et d’avenir pour les Israéliens et les Palestiniens ».

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