Le Soudan au bord d’une véritable guerre civile

Le conflit opposant deux groupes militaires au Soudan depuis trois mois pourrait se transformer en « une véritable guerre civile », a estimé Volker Perthes, le chef de la mission de l’ONU au Soudan lors d’une visite le 12 juillet à Bruxelles. 

Depuis le début de la guerre au Soudan, le 15 avril 2023, le bilan ne cesse de s’alourdir. « En trois mois, nous avons eu plus de 2 millions de personnes nouvellement déplacées dans le pays et plus de 700 000 personnes qui ont traversé les frontières vers les pays voisins », a détaillé le chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), lors d’un point de presse.  

« Le Soudan est redevenu une catastrophe humanitaire », a ajouté Volker Perthes, qui est également Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan. 

« Les violations des droits de l’homme commencent par des meurtres, des viols et des pillages partout où il y a eu des combats, et parfois là où il n’y en a pas eu, jusqu’à l’épuration ethnique dans l’ouest du Darfour et sa capitaleEl-Geneina ». 

Malheureusement, aucune solution politique n’est en vue. Abdel Fattah al-Burhane et Mohammed Hamdan Daglo, deux généraux de la junte qui a pris le pouvoir par un coup d’État le 25 octobre 2021, sont toujours déterminés à se battre l’un contre l’autre.  

Ils ont renversé un gouvernement civil de transition (2019-2021) formé après la chute d’Omar el-Béchir, un colonel qui a dirigé le pays de 1989 à 2019. Le pouvoir d’Omar el-Béchir a pris fin sous la pression de la rue, après quatre mois de protestations et de manifestations populaires. 

Le risque d’une « guerre civile totale »  

Comme les huit pays de l’Autorité intergouvernementale de développement (IGAD) ont récemment déclaré, a poursuivi Volker Perthes, « nous ne pensons pas que l’une ou l’autre des parties soit en mesure de l’emporter militairement. « Une cessation des hostilités permettrait de lancer un processus politique. Nous n’en sommes pas encore là ». 

Ce qui a commencé comme un désaccord entre deux généraux « est sur le point de se transformer en un conflit ethnicisé et idéologisé, ce qui le rapproche d’une véritable guerre civile ».  

Contagion régionale  

Volker Perthes à Bruxelles Ce scénario catastrophe aurait de nombreuses conséquences. « Une fois que le conflit devient une guerre civile avec de multiples fronts et une fragmentation du pays, il est beaucoup plus difficile de l’arrêter et cela a plus d’implications sur la région. Les États voisins risquent d’être entraînés dans le conflit ».   

La position géostratégique du Soudan rend l’évolution de la guerre cruciale pour la stabilité de l’Afrique. « Le Soudan est le troisième plus grand pays d’Afrique, et sa fragmentation ne serait pas seulement une implosion, mais une explosion qui affecterait de nombreux pays voisins, dont beaucoup ont leurs propres problèmes de transition ».  

« La communauté internationale ne doit pas rester les bras croisés »  

Volker Perthes a rencontré à Bruxelles le Service européen d’action extérieure de l‘Union européenne (UE) et le Comité politique et de sécurité (COPS) de l’UE – des réunions qu’il tient chaque année depuis la création de la MINUATS en 2020. 

« Même si nous ne voyons pas de fin immédiate à la guerre, le message pour les Européens et les autres est que la communauté internationale ne doit pas rester les bras croisés. Il est important, et parfois plus important qu’on ne le pense, d’appeler les parties à cesser le feu et à demander la cessation des hostilités immédiatement ». 

Même si la transition qui était au cœur du mandat de MINUATS est compromise, le diplomate de l’ONU a rappelé que l’Europe a été « très favorable » à ce processus. L’Europe étant également un donateur humanitaire majeur, « il est important de la tenir informée car les besoins au Soudan sont énormes ».  

Préparer la paix et la reconstruction  

« Nous devons intensifier l’aide humanitaire tant à l’intérieur du pays que dans les pays voisins tels que le Tchad, l’Égypte, le Sud-Soudan et l’Éthiopie », a expliqué Volker Perthes. Les réfugiés soudanais font peser un fardeau supplémentaire sur les pays d’accueil « généreux » comme le Tchad, qui a déjà « du mal à joindre les deux bouts », a poursuivi le diplomate onusien. 

Pour le représentant des Nations Unies, l’Europe jouera certainement un rôle dans les pourparlers de paix et les futurs efforts de reconstruction. « Il est également important que les acteurs internationaux fassent clairement savoir que tous les crimes et toutes les violations des droits de l’homme commis au cours des trois derniers mois doivent donner lieu à une obligation de rendre des comptes ». 

La mission de l’ONU toujours présente au Soudan 

Créée en juin 2020 pour soutenir la transition démocratique au Soudan, la MINUATS a vu depuis son mandat renouvelé chaque année . Fin avril 2023, le personnel international des Nations Unies a été évacué du Soudan et le 2 juin, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat de la MINUATS pour six mois. Volker Perthes, déclaré « persona non grata » par les autorités soudanaises le 8 juin, travaille désormais depuis Nairobi, au Kenya.  

« Le Secrétaire général a été très clair sur le fait que déclarer des fonctionnaires de l’ONU persona non grata n’a pas de base légale », a souligné Volker Perthes lors de son point de presse. « La MINUATS est toujours au Soudan. Mon adjointe, une partie du personnel international et les agences de l’ONU sont à Port-Soudan, tandis que notre personnel national travaille toujours au Soudan ». La mission s’occupe des rapports sur les droits de l’homme, de la diplomatie régionale et conserve la présidence de la Commission du cessez-le-feu pour le Darfour. Elle travaille également avec la société civile, « encourageant les acteurs politiques et civils à entamer des conversations ». 

 

Liens utiles 

Suivi de la crise au Soudan et de la réponse de l’ONU  

ONU INFO : Soudan 

MINUATS (en anglais) 

Déclaration du Procureur de la CPI, M. Karim A.A. Khan QC, à l’issue de sa visite à Khartoum et au Darfour : « Ensemble, nous devons veiller à ce que les premiers pas qui ont été faits sur le chemin de la justice ne débouchent pas sur de faux espoirs », 29 août 2022  

Derniers articles

France et Monaco

4,258FansJ'aime
5,379SuiveursSuivre

Belgique et Luxembourg

2,869FansJ'aime