Sida et COVID-19 : « des pandémies en collision »

A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida ce 1er décembre, UNRIC a interviewé la Dr Jantine Jacobi, Représentante de l’ONUSIDA à Bruxelles, sur la solidarité, les leçons à tirer de l’épidémie de sida dans le contexte actuel et ce qui la tient éveillée la nuit.

Actuellement, le sida touche 38 millions de personnes dans le monde. En 2019, 12,6 millions de personnes n’avaient pas accès à un traitement vital, 690 000 personnes sont décédées d’affections liées au sida et 1,7 million d’infections supplémentaires par le VIH ont été enregistrées.

Le thème de la Journée cette année, « Solidarité mondiale et responsabilité partagée », est d’une importance vitale : il faut réduire les inégalités et les violations des droits de l’homme, notamment la criminalisation, la stigmatisation et la discrimination, afin de garantir l’accès aux soins de santé.

COVID-19 et VIH/sida : une histoire de solidarité mutuelle

En cette période de « pandémies en collision », l’ONUSIDA déploie son expertise en tant que co-organisateur de l’initiative « People’s vaccine » (vaccin du peuple), un appel à l’action pour donner accès à un vaccin COVID-19 à tous les pays et à toutes les personnes – y compris les plus pauvres ou les plus marginalisées.

Jantine Jacobi s'exprime lors d'une conférence
Jantine Jacobi s’adressant aux médias lors de la table ronde « Confronter la stigmatisation et la discrimination », au Sommet de l’Union africaine sur le Sida, la tuberculose et le paludisme à Abuja, Nigéria

« Le dépistage, les tests et les traitements doivent être gratuitement accessibles à tous, y compris aux personnes sans assurance, aucun pays ne doit être laissé pour compte. Protégez les droits de humains pendant la période de confinement et soutenez votre personnel de santé », conseille Jantine Jacobi.

Des études récentes suggèrent qu’un accès plus difficile aux soins de santé pourrait entraîner 500 000 décès supplémentaires dus au sida. « Nous constatons également une stigmatisation et une discrimination croissantes parmi nos groupes cibles, par exemple les travailleurs du sexe ou les personnes LGBTI. S’ils ont un problème de santé, ils reçoivent souvent des réactions négatives et ne se font pas soigner par peur des réactions », confirme Jantine Jacobi.

Plus de fonds sont également distribués à d’autres causes, mais Jantine Jacobi pense qu’il est logique qu’ils répondent d’abord à la menace immédiate. Jacobie paraphrase Winnie Byanyima, Directrice exécutive d’ONUSIDA: « Nous devons faire notre part et tirer des leçons de l’épidémie du VIH assurer que la riposte au COVID-19 se déroule bien. La solidarité internationale fonctionne dans les deux sens. Et bien sûr, nous devons atteindre les Objectifs de développement durable, » ajoute-t-elle.

Remettre le sida au cœur des débats

« Le défi à Bruxelles est que le VIH a disparu des radars. L’engagement a refroidi et le temps d’attention pour cette épidémie, toujours importante, est extrêmement limité », explique Jantine Jacobi, qui essaie d’attirer l’attention sur cette problématique en mettant l’accent sur le VIH dans les documents politiques de l’UE, dans les médias ou par le biais d’événements.

L’un de ces évènements est une session « VIH et droits humains des LGBTI ; égalité d’accès à la PrEp (prophylaxie pré-exposition) » organisée par ONUSIDA pour la Journée mondiale de lutte contre le sida au Parlement européen en coopération avec le Groupe interparlementaire européen sur les LGBTI, l’OMS et l’ONG Aidsfonds. Une nécessité lorsque l’on sait que l’inégalité d’accès aux soins de santé signifie par exemple que les homosexuels sont exposés à un risque d’infection au VIH 26 fois plus élevé que le reste de la population masculine adulte.

« Il m’arrive de rester éveillée la nuit face à l’injustice et aux opportunités manquées, lorsque je ne parviens pas à obtenir que tous les acteurs soient sur la même longueur d’ondes. »

L’autonomisation des femmes

Pendant son stage de médecin en Indonésie, Jantine Jacobi a pu constater l’impact de l’environnement social sur l’accès aux soins de santé. « C’est ce qui détermine la qualité de vie », nous dit-elle. Elle a été l’une des pionnières dans l’ouverture d’accès aux femmes indonésiennes aux soins de santé.

Après ses études de physiothérapie, de médecine et une formation de médecin généraliste, Jantine Jacobi a travaillé successivement au Népal, en Zambie et en Namibie à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

En Zambie, elle a impliqué des sages-femmes traditionnelles dans un programme gouvernemental en coopération avec UNICEF sur la santé maternelle et infantile, « la reconnaissance obtenue par les sages-femmes était fantastique à voir. » Au cours de ces expériences sur différents continents et dans différents secteurs de la santé, elle a vu les mêmes inégalités réapparaître.

Deux facteurs l’ont convaincue de poursuivre son combat chez ONUSIDA : la dure réalité de l’épidémie de sida en Zambie, où personne n’osait demander où quelqu’un se trouvait par peur de découvrir que la personne soit morte, et sa collaboration avec les jeunes en Namibie. Elle a commencé à travailler pour l’Organisation en Ouganda, au point culminant de la pandémie.

« Mon expérience la plus mémorable en Ouganda a été en 2001 lorsque les Nations Unies, avec l’aide d’ONUSIDA, ont commencé à travailler avec un assureur de santé local pour permettre l’accès aux médicaments antirétroviraux. A cette époque, l’accès à ces médicaments était tout sauf évident. Grâce à cet arrangement, nos collègues ont souvent pu obtenir un contrat à durée indéterminée, ils pouvaient envoyer leurs enfants à l’école, ils ont été mis en confiance pour révéler leur statut VIH et surtout, ils ont vécu plus longtemps. Cela montre que l’ONU travaille pour sauver des vies. »

Après l’Ouganda, elle a travaillé en Ukraine, au Siège à Genève, au Kenya et actuellement à Bruxelles.

Jantine Jacobi et John Mathenge
Jantine Jacobi discute la prestation de services de lutte contre le VIH dirigés par la communauté avec John Mathenge, fondateur de Health Options for Young Men on HIV / AIDS / STI (Hoymas) au Kenya

Passez à l’action !

À l’approche de la Journée mondiale de lutte contre le sida, vous pouvez montrer votre solidarité vis-à-vis des victimes du sida en portant le ruban rouge et l’afficher sur vos réseaux sociaux pour donner plus de visibilité à la campagne.

Jantine Jacobi voit également des opportunités pour les jeunes qui veulent travailler pour les Nations Unies ou ONUSIDA. « Si l’aide au développement et le combat contre les inégalités vous tiennent à cœur, lancez-vous !

La passion de Jantine Jacobi est toujours aussi forte qu’au début de sa carrière : « Je connais trop de personnes qui vivent avec le VIH et pour lesquelles les médicaments sauvent leur vie, il est important de continuer dans cette voie. Ici, à Bruxelles, je veux encore contribuer à une politique où la prévention et le traitement du VIH sont intégrés dans les soins de santé réguliers aux pays partenaires du Sud. »

En savoir plus :

Les Visages de l'ONU

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