Palestine : éviter un génocide à Gaza et une nouvelle « nakba »

Plus d’une vingtaine de rapporteurs [1] des Nations Unies ont réitéré jeudi leurs inquiétudes sur « un génocide en cours » et « une seconde Nakba », « la catastrophe », nom donné à l’exode massif des Palestiniens suite à la guerre israélo-arabe de 1948.

« Les graves violations commises par Israël à l’encontre des Palestiniens au lendemain du 7 octobre, en particulier à Gaza, indiquent qu’un génocide est en cours », ont déclaré ces experts indépendants, qui rédigent des rapports pour l’ONU dans divers domaines liés au droits humains.

Ils ont mis en évidence les preuves d’une incitation croissante au génocide, d’une intention manifeste de « détruire le peuple palestinien sous occupation », d’appels bruyants à une « seconde Nakba ».

Ils dénoncent également « l’utilisation d’armes puissantes aux effets intrinsèquement indiscriminés, entraînant un nombre colossal de morts et la destruction d’infrastructures essentielles à la vie ».

« Nous sommes profondément choqués par l’incapacité d’Israël à accepter un cessez-le-feu immédiat et par le manque de volonté de la communauté internationale de faire pression de manière plus décisive en faveur d’un tel cessez-le-feu. L’absence de mise en œuvre urgente d’un cessez-le-feu risque de faire basculer la situation dans un génocide mené avec les moyens et les méthodes de guerre du XXIe siècle », ont averti les experts.

Mercredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution demandant  des « pauses humanitaires urgentes et prolongées et des corridors dans l’ensemble de la bande de Gaza pendant un nombre suffisant de jours ».

Rhétorique génocidaire et déshumanisante

Les rapporteurs se sont inquiétés de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien, ainsi que de certains groupes professionnels et personnalités publiques », qui appellent à la « destruction totale » et à « l’effacement » de Gaza, à la nécessité de « les achever tous » et de forcer les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est à se réfugier en Jordanie.

Les experts ont averti qu’Israël a démontré qu’il avait la capacité militaire de mettre en œuvre de telles intentions criminelles.

« Nombre d’entre nous ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur le risque de génocide à Gaza », ont déclaré les experts. En effet, le 2 novembre, sept rapporteurs de l’ONU avaient alerté sur ce risque et estimaient qu’il était « encore temps d’éviter un génocide et une catastrophe humanitaire ».

« Nous sommes profondément troublés par le fait que les gouvernements n’ont pas tenu compte de notre appel et n’ont pas obtenu un cessez-le-feu immédiat. Nous sommes également profondément préoccupés par le soutien de certains gouvernements à la stratégie de guerre d’Israël contre la population assiégée de Gaza, et par l’incapacité du système international à se mobiliser pour empêcher le génocide », ont-ils ajouté.

Respecter le droit humanitaire international

Les bombardements et le siège de Gaza auraient fait plus de 11 000 morts, plus de 27 000 blessés et 1,6 million de personnes déplacées depuis le 7 octobre 2023.

Pour eux, Israël renforce « son blocus illégal de Gaza, qui dure depuis 16 ans et qui empêche les gens de s’échapper et les laisse sans nourriture, eau, médicaments et carburant depuis des semaines, en dépit des appels internationaux à fournir un accès à l’aide humanitaire essentielle ».

« Comme nous l’avons déjà dit, la famine intentionnelle équivaut à un crime de guerre », ont déclaré les experts. Les  destructions de bâtiments, habitations, hôpitaux , écoles, et infrastructures sont pour eux  « une façon de rendre impossible la poursuite de la vie des Palestiniens à Gaza ».

« Des violations aussi flagrantes ne peuvent être justifiées au nom de la légitime défense après les attaques du Hamas du 7 octobre, que nous avons condamnées avec la plus grande fermeté », ont rappelé les experts. « Pour être légitime, la réponse d’Israël doit s’inscrire strictement dans le cadre du droit international humanitaire », ont déclaré les experts de l’ONU.

Escalade de violence en Cisjordanie

Les experts ont également tiré la sonnette d’alarme sur l’escalade de la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée, par des soldats et des colons armés. Depuis le 7 octobre 2023, au moins 190 Palestiniens ont été tués, plus de 2700 blessés et plus de 1100 personnes déplacées en Cisjordanie occupée.

Le 9 novembre, les forces israéliennes ont également bombardé, pour la deuxième fois, le camp de réfugiés de Jénine avec de l’artillerie lourde et des frappes aériennes, tuant au moins 14 Palestiniens.

Selon ces experts « l’environnement de plus en plus coercitif a également entraîné le déplacement forcé de plusieurs communautés d’éleveurs et de Bédouins dans la vallée du Jourdain et au sud des collines d’Hébron ».

Responsabilité de la communauté internationale dans la prévention d’un génocide

« La communauté internationale a l’obligation de prévenir les crimes d’atrocité, y compris le génocide, et devrait immédiatement envisager toutes les mesures diplomatiques, politiques et économiques à cette fin », ont déclaré les experts. Ils ont exhorté les États membres des Nations Unies et le système des Nations Unies dans son ensemble à prendre des mesures immédiates.

À court terme, les experts ont réitéré leur appel à Israël et au Hamas pour qu’ils mettent en œuvre un cessez-le-feu immédiat, et :

  1. Permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire dont la population de Gaza a désespérément besoin ;
  2. Assurer la libération inconditionnelle, en toute sécurité, des otages pris par le Hamas ;
  3. Veiller à ce que les Palestiniens détenus arbitrairement par Israël soient immédiatement libérés ;
  4. Ouvrir des corridors humanitaires vers la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Israël, en particulier pour les personnes les plus touchées par cette guerre, les malades, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants ;

Ils ont également recommandé

5. Le déploiement d’une présence internationale de protection dans le territoire palestinien occupé sous la supervision de l’ONU ;

6. La collaboration de toutes les parties avec la Commission d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, et le procureur de la Cour pénale internationale sur l’enquête ouverte en mars 2021, ainsi que sur les crimes découlant des événements récents, soulignant que les crimes commis aujourd’hui sont en partie dus à l’absence de dissuasion et à l’impunité persistante ;

7. Mettre en œuvre un embargo sur les armes à l’encontre de toutes les parties belligérantes ;

8. S’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit en mettant fin à l’occupation israélienne du territoire palestinien.

« La communauté internationale, y compris les États mais aussi les acteurs non étatiques tels que les entreprises, doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin immédiatement au risque de génocide contre le peuple palestinien et, en fin de compte, à l’apartheid israélien et à l’occupation du territoire palestinien », ont déclaré les experts.

« Nous rappelons aux États membres que ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le sort des Israéliens et des Palestiniens, mais une grave conflagration du conflit dans la région, entraînant davantage de violations des droits de l’homme et de souffrances pour les civils innocents », ont-ils ajouté.

Les experts signataires : Francesca Albanese,  Margaret Satterthwaite,Dorothy Estrada Tanck (Chair), Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu, and Laura Nyirinkindi Surya Deva,  Ravindran Daniel (Chair-Rapporteur), Sorcha MacLeod, Chris Kwaja, Jovana Jezdimirovic RanitoCarlos Salazar Couto, Barbara G. Reynolds(Chair), Bina D’CostaDominique DayCatherine Namakula Pedro Arrojo-AgudoOlivier De Schutter,  Farida ShaheedDamilola Olawuyi (Chairperson), Robert McCorquodale (Vice-Chairperson), Elżbieta KarskaFernanda Hopenhaym, and Pichamon YeophantongSiobhán Mullally,; Livingstone Sewanyana,; Balakrishnan Rajagopal, ; Ashwini K.P. ; Paula Gaviria Betancur, ; Mary Lawlor, ; Claudia Mahler, ; Ben Saul; Irene Khan  

[1] Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil. Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l’homme nommés par le Conseil des droits de l’homme pour traiter soit des situations nationales spécifiques, soit des questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.

Derniers articles sur le Proche-Orient

France et Monaco

4,258FansJ'aime
5,379SuiveursSuivre

Belgique et Luxembourg

2,869FansJ'aime