Les Visages de l’ONU : Sarah Gilbertz

Quel est votre parcours universitaire et en quoi cela a-t-il influencé votre carrière au sein de l’ONU ?

J’avais étudié le journalisme et la communication et j’avais l’intention de devenir journaliste au Luxembourg. Une fois mes études terminées, je ne me sentais pas encore tout à fait prête à travailler et j’ai donc participé à un programme luxembourgeois associant les jeunes diplômés à des organisations non gouvernementales luxembourgeoises. Le programme vous envoie sur le terrain d’un des projets gérés par une ONG. Je suis donc partie en Inde pendant six mois, travaillant pour une petite ONG au sein du service de communication. Mon expérience en Inde a été un tournant pour moi. Je me suis vite rendue compte que je ne devais pas nécessairement devenir journaliste et que je pouvais plutôt utiliser les compétences acquises au cours de mes études et de mes stages dans un environnement à but non lucratif. À mon retour d’Inde, j’ai commencé à travailler pour plusieurs ONG, notamment Caritas au Luxembourg et Survival International au Royaume-Uni. Pendant mon séjour au Royaume-Uni, j’ai entendu parler du programme des Jeunes Experts Associés (JEA) et c’est ainsi que j’ai intégré le système des Nations Unies.


Quel a été votre premier emploi à l’ONU ?

Pendant que je travaillais pour Survival International à Londres, j’ai entendu parler du programme de JEA des Nations Unies et j’ai fréquemment consulté le site web du Ministère des Affaires étrangères et européennes luxembourgeois où l’on annonce les postes vacants, mais la plupart des postes vacants ne correspondaient pas à mon profil.

Cependant, en 2014, un poste de JEA dans la communication à New York pour le Sommet mondial sur l’action humanitaire organisé par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) était vacant. Ils organisaient un grand sommet à Istanbul, réunissant tous les acteurs impliqués dans l’action humanitaire tels que des gouvernements, des organisations non gouvernementales, des universités et le secteur privé. L’objectif du Sommet était de réunir toutes ces personnes pour définir l’avenir de l’action humanitaire et les moyens de la rendre plus efficace. Je n’avais jamais pensé pouvoir un jour travailler pour l’ONU, j’ai toujours pensé que j’avais besoin d’étudier autre chose ou être une politicienne. Alors, j’ai envoyé ma candidature en pensant qu’elle n’allait pas aboutir. J’ai cependant eu des nouvelles de leur part, j’ai eu deux entretiens et j’ai finalement obtenu un poste à New York au sein de l’équipe de communication du Secrétariat du Sommet humanitaire mondial. C’était vraiment inattendu. J’ai même envoyé ma candidature le dernier jour avant la date limite. À l’époque, je vivais au Royaume-Uni et j’espérais juste qu’ils vérifieraient et accepteraient la date imprimée sur le timbre utilisé.


Quel est votre emploi actuel et quels sont les aspects les plus difficiles et les plus enrichissants ?

J’ai passé deux ans à travailler sur le Sommet humanitaire mondial, après quoi je suis passée dans la section principale de la communication d’OCHA où je travaille actuellement. Je me concentre principalement sur les communications numériques en gérant nos médias sociaux et des levées de fonds numériques. Je travaille également beaucoup sur les analyses et la métrique afin de déterminer le type de contenu qui fonctionne sur nos canaux et ce que nous devons améliorer.

Je travaille aussi régulièrement avec nos graphistes et nos cinéastes pour produire du contenu pour nos plateformes numériques. Notre section examine comment rendre les affaires et les actions humanitaires plus accessibles au grand public. Souvent, à l’ONU, le public principal est constitué des États membres, des gouvernements ou d’un public plus interne aux Nations Unies. Ce que je trouve très intéressant et que j’aime vraiment dans ce métier, est que nous essayons de l’ouvrir autant que possible à un public plus large. Nous essayons d’expliquer au grand public quelles sont les crises humanitaires qui se produisent dans le monde et ce que l’ONU et nos partenaires font pour aider les populations touchées par des crises telles qu’au Yémen, en Syrie et au Soudan. C’est ce que je suis en train de faire et mes tâches quotidiennes sont très diverses parce que nous avons affaire à des urgences, ainsi ceci change tout le temps. Vous ne pouvez jamais planifier trop à l’avance ; comme il se passe toujours quelque chose, il peut y avoir un tremblement de terre ou des situations conflictuelles comme au Yémen. C’est un environnement très changeant, mais c’est ce que j’aime dans ce travail.

C’est aussi très difficile. Par exemple, au Yémen, un photographe nous envoie des photos montrant des enfants affamés. Il y a des enfants âgés de six mois, pesant environ deux ou trois kilos. Ces derniers étaient des nouveau-nés normaux quelques temps plus tôt. Je pense qu’on ne peut jamais s’habituer à ce type d’images, bien qu’à un moment cela devienne presque nécessaire pour effectuer son travail dans un tel environnement. Vous voyez ces choses et vous vous demandez « comment est-il encore possible que des enfants meurent de faim en 2018 ? ». Les photos que nous recevons et les histoires que nous entendons de nos envoyés sur le terrain sont vraiment très difficiles. Notre rôle est de déterminer comment nous voulons porter cela à l’attention du public.

Un autre aspect stimulant du travail est que nous recevons de nombreux commentaires sur les médias sociaux qui accusent l’ONU de ne pas en faire assez pour mettre fin aux guerres comme en Syrie et au Yémen. En tant qu’humanitaires, nous devons expliquer que notre travail consiste à aider les personnes avec une aide vitale, en leur fournissant de la nourriture, de l’eau potable et un abri. Bien sûr, nous voulons tous que ces guerres cessent et le chef de notre organisation, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), et Coordonnateur des secours d’urgence, Mark Lowcock, informe régulièrement le Conseil de sécurité de la situation humanitaire dans ces zones de conflit et exhorte les États membres à prendre des mesures pour arrêter ces guerres. Mais notre rôle est avant tout de fournir l’aide immédiate dont les gens ont besoin, alors que les autres mécanismes de l’ONU se chargent de résoudre les crises politiques  et que parfois ces mécanismes ne fonctionnent pas comme ils sont censés faire.


Selon vous, quels sont les aspects sous-estimés de votre travail pour l’ONU ?

De l’extérieur, l’ONU ressemble à une grande organisation. Quand j’ai commencé à travailler aux Nations Unies, j’ai été surprise de découvrir que cette organisation est composée d’innombrables sous-organisations, agences et bureaux qui ont tous un mandat spécifique. Parfois ces différentes composantes ne communiquent pas très bien entre elles. L’ONU est une grande organisation et lorsque vous commencez à travailler au sein du système, vous devez naviguer et vous repérer. Au début, c’est assez intimidant. Parfois, vous avez également des mandats qui se chevauchent, par exemple deux agences qui traitent de sujets très similaires et vous devez faires des recherches pour trouver la bonne personne. C’est très complexe et j’ai été étonné de la taille de l’ONU.  À terme, vous finissez par vous y habituer et vous commencez à comprendre le fonctionnement interne et à connaître tous les acronymes.


Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent faire carrière à l’ONU ?

Beaucoup de gens supposent que vous devez étudier les affaires internationales ou sciences politiques, mais l’ONU compte tellement de ministères et d’agences et tant de postes et de catégories d’emplois différents, nécessitant des compétences différentes. Je pense que la chose la plus importante à savoir, est qu’il y a très peu de postes de débutants à l’ONU. Une fois vos études terminées, il est toujours bon d’acquérir une expérience professionnelle en dehors de l’ONU au sein d’une ONG ou dans le secteur privé, ou à un autre endroit qui pourrait être utile dans le domaine professionnel qui vous intéresse. Cela vous facilitera grandement la tâche. Si vous avez déjà un peu d’expérience et une certaine expérience professionnelle, entrer aux Nations Unies sera beaucoup plus facile. Aussi, essayez sans aucun doute de faire un stage à l’ONU. Il existe également le programme JEA et le programme Jeunes Administrateurs (YPP) pour les jeunes professionnels, comme celui que j’ai suivi. Lorsque vous faites partie de l’un de ces programmes, vous bénéficiez d’une bonne visibilité, bâtissez un bon réseau et apprenez à connaître le système. Il existe également le programme des Volontaires des Nations Unies sur le terrain, où les gens peuvent acquérir de l’expérience dans l’un des sites de terrain de l’ONU et obtenir une allocation de subsistance couvrant leurs frais. Vous pouvez essayer de nombreuses façons, mais au plus vous acquérez d’expérience en dehors de l’ONU le mieux ceci serait. Enfin, l’ONU est un type d’organisation très spécifique et je suis vraiment heureuse d’avoir acquis au préalable une expérience externe, car vous apportez ainsi une perspective intéressante et différente.

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